L’abbé Grégoire, le curé révolutionnaire
Une figure controversée
Entré au Panthéon en 1989, l’abbé Grégoire est une figure qui interroge l’historien de la Révolution. Voici un chrétien, prêtre qui a essayé d’allier l’idéal révolutionnaire et le message évangélique, y compris aux moments les plus durs de la déchristianisation. Françoise Hildesheimer, à qui on doit une biographie remarquable de Richelieu (Flammarion, 2004) et Une brève histoire de l’église (Flammarion, 2019), se penche sur son cas.
Un curé sous influence janséniste ?
Né à Vého en Lorraine, le jeune Grégoire est destiné très tôt à l’église. Il appartiendra donc à ce qu’on a appelé le bas-clergé, roturier, par opposition au haut-clergé, celui des nobles devenus évêques, archevêques et cardinaux, accaparant ainsi des bénéfices, c’est-à-dire des revenus. Grégoire est un jeune homme pieux, voué à ses ouailles et désireux de restaurer la pureté de l’église originelle. Il subit donc l’influence du richerisme mais qu’en est-il du jansénisme, cette tarte à la crème de l’historiographie révolutionnaire. Il n’adhère pas aux idées de ce courant sur la grâce mais il lit, il rencontre peut-être des jansénistes. En tout cas, son hostilité sourde à la monarchie fera qu’on le rapprochera d’eux, surtout au moment du vote de la constitution civile du clergé.
Le chrétien révolutionnaire
Partisan de la Révolution dès ses débuts, Grégoire embrasse de nombreux combats, en faveur des juifs par exemple qu’il a côtoyé en Lorraine, contre l’esclavage ensuite (même s’il ne fut pas le seul). Grégoire devient évêque constitutionnel du Loir-et-Cher et tente de conquérir les cœurs et les âmes parfois réfractaires aux nouvelles idées. Elu à la Convention, il ne vote pas la mort de Louis XVI car il est en mission en province mais, comme le démontre sa biographe, il est probable qu’il l’aurait fait. Grégoire s’investit pour l’éducation, pour la promotion du Français (ça lui est reproché aujourd’hui) et survit à la Terreur. Pendant le Directoire, il s’efforce de faire vivre l’église constitutionnelle et se rallie à Bonaparte en 1799.
Celui-ci l’estime et le redoute (c’est Bonaparte qui lui trouve ce sobriquet de « tête de fer »), le force à démissionner de ses fonctions d’évêque pour favoriser le concordat et rétablit l’esclavage contre Grégoire avait tant lutté… il en fait aussi un sénateur et le comble de pensions pour mieux le neutraliser. Grégoire survit à l’Empire et est même élu à la chambre durant la seconde Restauration mais sera invalidé : l’ancien évêque constitutionnel sent toujours le souffre. Il meurt en 1831, symbole d’une Révolution qu’il voulait marier avec le christianisme.
L’abbé Grégoire retrace une trajectoire passionnante, très bien analysée par Françoise Hildesheimer.
Sylvain Bonnet
Françoise Hildesheimer, L’abbé Grégoire, une « tête de fer » en révolution, Nouveau monde éditions, avril 2022, pages, 24,90 euros