Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu

Mais non, explique Guillaume Canet dans une interview au Journal du dimanche, son Astérix n’est absolument pas un échec : « Il a été vendu dans le monde entier et a fait à ce jour plus de deux millions d’entrées à l’international, avec des cartons en Europe, en Pologne par exemple. On oublie qu’avant qu’Avatar ne lance en grand le mouvement au sortir de la pandémie, peu de films faisaient ces chiffres-là. Je suis très heureux des retours que j’ai des gens dans la rue, surtout des enfants. »

Chez Pathé, on ajoute à juste titre que la carrière d’un film ne se limite plus à son exploitation en salles (ce qui n’empêche pas, toutefois, la présence de plus en plus fréquente de la mention « Seulement au cinéma » sur les affiches des colonnes Morris…). Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu n’a donc pas dit son dernier mot.

Tout cela est vrai : le film va être diffusé sur Netflix (excepté sur l’antenne gauloise de la plate-forme) et le Blu-ray/DVD qui sort début juin se vendra sans doute fort bien. En tout état de cause, les tombereaux d’insultes déversés sur certains sites sont totalement injustifiés. Mais il faut comparer des choses comparables. L’Empire du Milieu a fait 4,6 millions d’entrées ; l’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre réalisé par Alain Chabat (et produit par Claude Berri) en avait fait plus de trois fois plus il y a vingt ans.

Ce qu’on qualifiera alors de semi-échec est d’autant plus regrettable que l’on voit dans le bonus à quel point Canet & Co (en particulier les sections décors et costumes) ont travaillé — et, ce qui ne gâte rien, dans la bonne humeur —, mais la faiblesse du film est à trouver dans son scénario. Or donc, une jeune princesse chinoise décide de faire le voyage jusqu’en Gaule pour voir Lutèce (qui n’était pas encore le Paris d’Anne Hidalgo) et pour solliciter l’aide d’Astérix et d’Obélix (la force de celui-ci est célèbre jusqu’à l’autre bout du monde !) : il faut absolument qu’ils interviennent pour permettre à sa mère de remonter sur le trône dont elle a été chassée par un vil conspirateur.

Rien de plus linéaire donc que cet argument. Rien de plus linéaire s’il était resté linéaire. Seulement, comme le film se doit d’être comique et qu’on ne rit jamais aussi bien qu’avec des gens qu’on connaît, Canet a décidé de faire appel à tout un tas de camarades, chacun faisant son numéro pour disparaître aussitôt, pour la bonne et simple raison qu’ils n’ont pour la plupart rien à faire dans l’histoire. Que celle-ci ne soit pas vraisemblable n’a aucune importance, mais on aimerait bien qu’elle fût cohérente. Vincent Cassel, par exemple, est a priori très convaincant en César, mais il en fait des tonnes, parce qu’il n’y a, à vrai dire, pas de situation. Même chose pour Marion Cléo-tillard : que diable allait donc faire la reine d’Égypte dans cette galère décousue ? Un film ? Non : une suite de sketchs qui, n’entretenant aucun lien solide les uns avec les autres, et ne répondant donc à aucune nécessité, s’oublient immédiatement. Loin d’atténuer les choses, la voix off chargée d’assurer les transitions ne fait que souligner la nature disparate du récit. Le seul à tirer son épingle du jeu est Gilles Lellouche, qui sait faire passer une émotion dans un seul regard, qui suggère donc qu’il y a autre chose que ce qu’on voit sur l’écran, assez même pour que nous nous demandions ce que deviendra son personnage une fois le rideau tombé.

Ajoutons enfin que les effets spéciaux cartoonesques qui permettent d’expédier d’un seul coup de poing tout soldat romain dans la stratosphère finissent par devenir un peu mornes. Ils ne sauraient remplacer, de toute façon, les références culturelles et les clins d’œil littéraires dont Goscinny ponctuait ses histoires. Son empire à lui était celui du juste milieu.

FAL

Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, réalisateur‏ : Guillaume Canet, avec Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Bun-hay Mean, Linh-Dan Pham, Tran Vu Tran, 1h46. Blu-ray et DVD Pathé.

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