Baptiste Beaulieu où vont les larmes quand elles sèchent

Baptiste Beaulieu est médecin. Il s’est fait connaître comme tel par ses premiers ouvrages qui témoignaient de ses conditions de travail. Depuis, il publie des récits, des poèmes, des bandes dessinées, tout en poursuivant son activité professionnelle. C’est d’ailleurs la vie d’un médecin qui est au cœur de Où vont les larmes quand elles sèchent, récit émouvant, et positif malgré ses profondes noirceurs.

médecin de famille

Un jeune garçon est mort parce qu’il n’a pas pu intervenir à temps. Ce drame, et cette culpabilité qui va le ronger tout du long, vont pousser Jean à quitter le service des Urgences où il travaillait pour un petit cabinet médical. La médecine des corps en chaîne pour la médecine des hommes et des femmes. Surtout des femmes, d’ailleurs, car Jean signale assez tôt dans le récit plusieurs de ses priorités, dont la principale est le sort des femmes battues par leur mari. Il hait les hommes, il sait pourquoi, et bien que gay, ses raisons sont plus que pertinentes. Il place l’homme du côté du mal et la femme en victime.

Il devient donc un médecin de famille, un confident, un ami presque, parfois. Il est dans un quartier plutôt populaire, cosmopolite, même s’il ne le décrit que peu. Il a ses habitués, ses personnages, et il vit avec eux la grande aventure d’un quotidien bien morose. Il y passe le plus clair de son temps, parfois en domiciles où il se rend avec son vélo à la selle trouée. Et il voit passer toute la misère du monde parmi le cortège des humbles qui remplissent la salle d’attente. Ce sont autant de portraits touchant de gens simples et beaux, même dans leurs défauts, mêmes dans leurs maladies.

médecin des âmes

Il se passe, parfois, de grandes choses entre les petites gens.

Les portraits des patients et des rencontres jalonnent les réflexions du personnage, Jean, sur la vie, le monde tel qu’il est dans sa plus crue hideur, sur lui-même et les raisons pour lesquelles il ne peut plus pleurer. Il a tout ce qu’il faut, en dedans, pour être une fontaine, mais ça ne pleure ni en dedans ni en dehors. Il est sec. Et ce n’est pas normal pour un être fait d’abord d’une incroyable et belle empathie. Où vont les larmes quand elles sèchent est aussi une enquête sur le moi enfoui de Jean, qu’il va devoir affronter, comme ses propres démons.

Malgré une propension aux petits jeux de mots (soigner son eczéma croûte que croûte) et l’usage désagréable d’un « du coup » à tout bout de champ, Où vont les larmes quand elles sèchent est un texte tendre et drôle, profondément humain. Écris comme un appel au lecteur, une longue lettre de consolation adressée aussi à lui-même. Et qui touche. Bapstite Beaulieu est un homme qu’on a envie d’aimer.

Loïc Di Stefano

Baptiste Beaulieu, Où vont les larmes quand elles sèchent, L’Iconoclaste, octobre 2023, 272 pages 20,90 euros

Lire les premières pages

Laisser un commentaire