La Vendée de la mémoire, après la catastrophe

Un historien émérite de la Révolution

Longtemps professeur à l’université Paris I, ancien directeur de l’institut d’histoire de la Révolution française, Jean-Clément Martin a aussi publié un certain nombre d’ouvrages marquants. Citons La Vendée et la France 1789-1799 (Seuil, 1987), Violence et Révolution (Seuil, 2003), Nouvelle histoire de la Révolution française (Perrin, 2012) et sa biographie de Robespierre (Perrin, 2016). Jean-Clément Martin a beaucoup concentré ses recherches autour de la Vendée et de la guerre qui s’y est déroulée, contestant la qualification de « génocide » proposée par Reynald Secher. La Vendée de la mémoire a déjà été éditée aux éditions du Seuil en 1989 et Martin en propose ici une version révisée et « augmentée », pour tenir compte des avancées historiographiques et aussi de l’actualité.

La Vendée après la Vendée

L’intérêt premier du livre est de découvrir comment cette région meurtrie par la guerre civile entre bleus et blancs a réussi à se reconstruire tout en devenant un enjeu politique et historique. Jean-Clément Martin fait remarquer avec justesse tous les efforts déployés par Napoléon pour « pacifier » la région (il reste vigilant envers la chouannerie) et rallier la noblesse. On est frappés par la sécheresse des Bourbons pendant la Restauration envers ceux qui s’étaient battus pour eux (à l’exception de la duchesse de Berry) et aussi par l’importance du fait religieux, y compris avec la persistance du schisme de la « petite église », celle qui refusait le concordat.

Passé les années 1830 et l’équipée de la duchesse de Berry, la Vendée s’installe dans une attitude ambiguë, faite de bouderie et en même temps d’évolutions lentes. Plus attachée au catholicisme qu’au royalisme, les vendéens ne se révoltent plus, tout en restant fiers des combats de leurs ancêtres et leur mémoire.

Des enjeux contemporains

Le XXe siècle a vu à la fois la normalisation et la persistance d’une identité vendéenne : en 1914 et en 1940, il n’y eut aucun problème lors de la mobilisation et les vendéens versèrent leur sang pour défendre la France. Bien sûr, certains cas individuels, tels celui de Bourmont mort en mars 1945 en Allemagne, frappent un peu mais les masses ne collaborèrent pas (voire résistèrent). Martin dans les derniers chapitres relatent les enjeux de mémoire et la « guerre » qui se déroula dans les années 80-90 autour de la notion de « génocide vendéen ». Il mentionne aussi la mise en place du Puy du fou autour de la personnalité controversée, mais aussi sympathique, de Philippe de Villiers.

Si aujourd’hui la spécificité vendéenne s’estompe quelque peu, l’identité demeure. Voilà un ouvrage passionnant.

Sylvain Bonnet

Jean-Clément Martin, La Vendée de la mémoire, Perrin, septembre 2019, 350 pages, 24 eur

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