Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation selon Benjamin Bürbaumer

Économiste et enseignant à Science Po Bordeaux, Benjamin Bürbaumer est un jeune chercheur qui a déjà publié Le souverain et le marché. Théories contemporaines de l’impérialisme (Amsterdam, 2020). Il publie un livre sur la rivalité de cet étrange couple que forme la Chine et les États-Unis : un essai qui fera date.

De la lutte des classes à la mondialisation

On sent que Benjamin Bürbaumer a beaucoup travaillé sur les conditions de l’émergence de la Chine favorisé par les États-Unis. Sa thèse est iconoclaste et fera pâlir bien des libéraux : c’est la lutte des classes aux Etats-Unis dans les années soixante-dix, menée par une classe ouvrière syndiquée et motivée (voyez au passage le film Norma Rae de Martin Ritt) qui a poussé le capitalisme transnational américain, représenté au premier chef par les futures multinationales de la Silicon Valley a externalisé leur production en Asie et en Chine communiste, alors en pleine ouverture économique grâce à Deng Xiaoping. Pour ce faire, le parti communiste chinois a dû réformer le droit du travail et affronté (on le sait moins) des mouvements sociaux très revendicatifs, avec succès. La chaîne de production était la suivante : produits à bas coût et composants les plus faciles à l’Asie et à la Chine, assemblage aux États-Unis. Et voilà la mondialisation « heureuse » partie, du moins jusqu’à la crise de 2008 selon notre chercheur.

Un autre modèle économique

La force de la Chine est d’avoir réussi lentement mais sûrement à monter en gamme, grâce à des transferts de technologie que les États-Unis ont longtemps encouragé… jusqu’à une tardive prise de conscience, qui pousse aujourd’hui à une guerre commerciale sur les micro-puces. La Chine propose aussi des infrastructures comme les routes de la soie qui séduisent les pays en voie de développement lassés et saignés par les plans d’ajustement proposés par le FMI (ah le consensus de Washington !). En fait la Chine propose un modèle de capitalisme national, en opposition au capitalisme transnational à l’américaine. Les deux pays sont rivaux, y compris sur le plan du soft power et le plan militaire : les USA l’emportent, le dollar les y aide, mais pour combien de temps encore ?

On peut reprocher à cet ouvrage ses a priori épistémologiques, voire idéologiques, tiré de certaines thèses issues des travaux de Marx et de ses successeurs. Il permet en tout cas de visualiser l’ampleur de la rivalité sino-américaine. Qui l’emportera ?

Sylvain Bonnet

Benjamin Bürbaumer, Chine/Etats-Unis, le capitalisme contre la mondialisation, postface de Romaric Godin, La Découverte, avril 2024, 304 pages, 23 euros

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