Benoît Duteurtre célèbre la Belle Époque et les Années folles

L’auteur de l’excellent Service clientèle (2003), de L’Été 76, de Dénoncez-vous les uns les autres (2022) nous ravit avec un Dictionnaire amoureux de la Belle Époque et des Années folles (Plon, 2022), refusant l’esprit chagrin et l’exercice d’autodénigrement relevant d’un plaisir quasi morbide, presque létal de remettre un cause une période historique de la première moitié du XXème siècle.

La passion Belle-Epoque

C’est en écoutant Debussy et Ellington, en regardant Monet et Dufy, en lisant Allais et Leblanc, puis Apollinaire et les dadaïstes, que l’écrivain Benoît Duteurtre se découvre une passion pour le début du XXe siècle. Né en 1960, au Havre, en Normandie, Benoît Dutreutre, romancier, écrivain, nous guide vers ce retour dans le temps, un peu comme si c’était mieux avant, — et pourquoi d’ailleurs ne serait-ce pas mieux avant ? — ce qui aura l’heur d’effrayer les progressistes, les contempteurs de notre passé, qu’ils soient de gauche ou de droite, mais tous imbéciles, incapables de poser un œil neuf sur ces Années folles et cette Belle Époque, dont le bruit est encore à découvrir. Il nous fallait comme un rappel à l’ordre, un appel des temps anciens, un coup de torchon pour dépoussiérer les esprits et les idées toutes faites, afin de nous donner au moins à comprendre que, « si la Belle Époque fut si prodigue en découvertes et en expérimentations, les Années folles illustrèrent, pour une bonne part, le prolongement et l’épanouissement des mêmes tendances ».

Dictionnaire, ou roman, prenez-le comme vous voulez, moi, je l’aurais lu comme un roman, le grand roman de la Belle Époque et des Années folles, avec ses épigones, ses hommes politiques, ses scientifiques, ses expositions universelles, ses lieux comme le Moulin rouge ou le Chat noir, ses brasseries, ses grands Cafés, « les cœurs battants de la vie urbaine », comme le Café de la paix, au rez-de-chaussée du Grand Hôtel, le café Weber, rue Royale, où apparaissait Marcel Proust en fin de journée, décrit par Léon Daudet comme « un jeune homme pâle, aux yeux de biche », ses gares, telle l’ancienne gare de Montparnasse rendue « célèbre par la chute d’une locomotive sur le terre-plein en 1895 », ses jardins publics, son Art déco ou Art nouveau, son jazz qui arrive des États-Unis et dont les couleurs « sont de plus en plus présentes au music-hall », avec l’arrivée également de la « Revue nègre » qui « permet d’applaudir Joséphine Baker, Sidney Bechet et d’authentiques musiciens noirs américains », L’Assiette au beurre, « lancée le 4 avril 1901 par Samuel Sigismond Scharz » et qui inspirera par la suite Le Crapouillot, puis plus tard Hara-Kiri et Charlie hebdo, en résumé, tout ce qui fera rêver le lecteur, dans ce moment de « mi-temps », d’insouciance –mais l’insouciance était-elle réelle ? Belle replongée dans cette période unique, inédite, et qui était le gouffre qui séparait la Grande Guerre de la Drôle de Guerre.

Un dictionnaire qui nous montre que Belle Époque et Années folles ne sont pas comme le pense « une certaine doxa moderniste […] les deux pans d’une même histoire » et que l’on a tendance à idéaliser. Benoît Duteurtre situe volontiers le début de la Belle Époque à 1881, et la loi sur la liberté de la presse, plutôt que 1900. Ce qui est intéressant, car cela montre que ces deux périodes ont une vertu : elles nous ont appris une forme d’expérimentation rare de la liberté.

Marc Alpozzo

Benoît Duteurtre, Dictionnaire de la Belle Époque et des Années folles, Plon, août 2022, 656 pages, 25 euros

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