« Ces petits renoncements qui tuent », éloge de la laïcité contre l’islamisation de l’école
Il y a de nombreux témoignages sur les défaillances de l’école, au premier rang desquels Jean-Paul Brighelli et sa Fabrique du crétin. L’auteur anonyme, qui a travaillé avec la journaliste Carine Azzopardi pour livrer son témoignage qui fait déjà beaucoup parler de moi, « Ces petits renoncements qui tuent », n’a pas pour but de montrer qu’un système est mis en place pour conduire les élèves vers la société de consommation. Ce qui est une réussite, du moins celle du projet caché d’un capitalisme universaliste. Il s’attache pour sa part à défendre une vision datée de l’école, mais pure et dont on rêve pour ses enfants, qui prône l’élitisme pour tous et la laïcité comme outil pour que chacun ai sa place. Mais cet idéal attaqué de toutes parts, semble sur le point de crouler sous la charge cumulée des élèves, des syndicats, de la politique de l’Education nationale même. L’idéal des hussards noirs de la République a-t-il encore la possibilité de servir à tous les élèves ?
Une « nouvelle » façon d’enseigner
Le « témoin » n’est pas un professeur en début de carrière ni un homme timoré. Disons également d’entrée, pour contrebalancer les premiers émois au sujet de ce document de toute première force : il est de gauche. Il signale ses constantes, comme l’élitisme pour tous et le fait que devant lui, dans sa classe, il ne voit que ses élèves, sans faire de distinction de couleur ou de religion. Pourtant, cette distinction, il est bien forcé de la subir, et finalement de la faire. Et la seule crainte qu’il a, après tant d’année, c’est de froisser la susceptibilité à fleur de peau des jeunes de plus en pus embrigadés dans l’emprise de l’Islam particulier des Frères musulmans.
Plus que la simple prudence, ou la retenue pédagogique, le professeur marche sur des œufs dès qu’il doit aborder dans ses cours un sujet sensible. Il y a toujours de l’autocensure, car les élèves vont se dresser contre tout ce qui ne va pas mettre Dieu au-dessus de tout. Ils refusent aussi bien de comprendre que d’accepter de réfléchir à des sujets comme la reproduction, la création de la terre, le darwinisme… et ceux qui ne se font pas insulter de kouffar ou de raciste, sont directement menacés :
L’un de mes amis m’a appelé. Il est en arrêt maladie cette semaine. Ce week-end, il corrigeait des copies ; dans l’une d’elles, un élève détaillait comment il allait le décapiter. Il n’a pas pu retourner enseigner le lundi venu. De son côté, l’élève a écopé de dix jours d’exclusion.
Pas simple d’enseigner dans de telles conditions, en veillant à ne jamais avoir un mot qui pourrait être mal interprété… surtout avec des élèves dont la culture et l’accès au second degré ont fondu comme peau de chagrin…
L’élève comme victime
Lire quelque chose qui remette leur croyance en cause [i. e. Voltaire] n’est pas concevable une seule second. Ils ne veulent rien entendre.
Les élèves sont les premières victime d’un système qui les écrase de tous les côtés. Dans les familles, aussi bien que les communautés, c’est la pression victimaire et revendicatrice qui pousse à créer un carcan propre à eux, à l’exclusion des autres. Et à l’exclusion des savoirs, des « contenus pédagogiques » ! Ils s’isolent d’eux-mêmes dans un cycle qui les rend incultes. Seul le Coran vaut, Dieu est au-dessus de tout, avec cela comme unique horizon. Ils ne sont plus à même de comprendre un exposé neutre, comme celui de la Laïcité, sans immédiatement y voir de l’islamophobie, du racisme anti-eux, et toutes ces fariboles dont les syndicats et les politiques de l’extrême-gauche se servent pour « combattre » le Rassemblement national.
Car le pire sans doute, c’est de voir ces élèves utilisés dans un combat politique qui les dépasse. De la chair à canon idéologique…
L’assassinat de Samuel Paty est un déclencheur. Outre la minute de silence qui n’est pas respectée, parce que mal préparée et incomprise, le comportement des syndicats et des collègues est ce qui choque le plus. Entre ceux qui ne savent pas comment faire et ceux qui ne veulent pas heurter la sensibilité des élèves (i. e. des musulmans), La Défense de la laïcité et la mémoire de la victime du devoir qu’est Samuel Paty en prennent un coup. Certains vont même jusqu’à espérer que cela ne servira pas la cause de l’extrême droite, en évitant toujours de signaler qu’il s’agit d’abord de l’assassinat d’un professeur de la République par un islamiste, des suites de mensonges sur ses pratiques professionnelles et du renoncement de l’Education nationale à faire son travail. Pourquoi un imam a-t-il été reçu, par exemple, dans l’école même ? Pourquoi le professeur en danger n’a-t-pas pas été protégé ? Ce sont ces renoncements, ses pas de côtés, ses compromissions qui tuent.
Défendre la laïcité
Le point de vue exposé est intéressant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il donne un sentiment posé et réfléchi, argumenté. Ensuite parce qu’il signale ce qu’il se passe à l’intérieur de l’établissement scolaire, entre professeurs, et comment le sanctuaire de la salle des profs a pu être contaminé par l’idéologie d’abord pas-de-vaguisme puis woke, et maintenant anti-islamophobie (mot magique qui relègue tout discussion vers un point Godwin au-delà duquel il n’existe plus de place pour la raison). Enfin parce qu’il s’appuie sur une bienheureuse laïcité, dont il tient à rappeler — avec justesse et intelligence — les fondements réels et les espoirs. Bien sûr, la laïcité est attaquée et dévoyée, mais son mot d’ordre de tenir bon est enthousiasmant pour qui sait, pour en avoir vécu de similaire, la vérité de ses expériences.
« Ces petits renoncements qui tuent » n’est pas un livre de ressentiments. C’est un constat de l’état actuel de l’école, dont le délitement et l’aveuglement du « pas d’amalgame, pas de vague » est dénoncé depuis des années. C’est aussi la source de beaucoup d’espoir, mais en gardant la lucidité qui le fait conclure : « La résistance face à l’obscurantisme et au radicalisme religieux […] ne fait que commencer ».
Loïc Di Stefano
Carine Azzopardi et le témoin, « Ces petits renoncements qui tuent », Plon, septembre 2022, 207 pages, 18 euros