L’Art de la paix, une utopie pour le XXIe siècle ?
Un intellectuel consacré
Professeur émérite à l’institut d’études politiques de Paris, spécialiste des relations internationales, Bertrand Badie s’est imposé aussi dans l’espace médiatique en étant régulièrement invité sur les plateaux télés, surtout depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. Il vient de publier chez Flammarion L’Art de la paix, sort de suite et de contre point à L’art de la guerre de Sun Tzu. Pourquoi pas ?
Une autre façon d’envisager la paix
Bertrand Badie s’est toujours éloigné de ce qu’il considère la pratique « westphalienne » de la politique internationale, de la logique des rapports de force entre États créant un équilibre souvent précaire. Au fond il critique une conception Hobbesienne des rapports entre états. Ici, il cherche à construire une pensée de la paix, éloignée de l’idée de trêve ou de non-guerre. Il propose donc ici en neuf chapitres neuf vertus pour bâtir des paix durables, incluant une portée systémique (chapitre 4) et un passage sur l’éducation, ou comment démontrer que l’éducation nationale doit enseigner les cultures et l’histoire non-européenne. Et aussi de montrer que les pires ennemis peuvent se réconcilier, à l’instar de l’Allemagne et de la France.
Les limites d’une démonstration
L’actualité récente ne va pas dans le sens de Bertrand Badie (et il en est conscient). Le retour de la guerre en Europe avec un Vladimir Poutine qui fait une guerre du XIXe siècle avec les moyens du XXIe le montre. On peut souscrire à l’éloge d’une paix portée par les acteurs non étatiques, en filigrane de cet ouvrage mais il reste qu’aujourd’hui, avec un multilatéralisme encore à bâtir, face à l’élection de Donald Trump, les états restent des acteurs incontournables du dialogue international. L’ONU est à réformer, dans un contexte marqué par les risques du réchauffement climatique, mais il y a peu de chances que le conseil de sécurité accepte d’autres membres permanents (et Bertrand Badie le sait). On a parfois l’impression de lire l’œuvre d’un utopiste. Mais peut-être avons-nous besoin d’utopies pour réfléchir ?
En tout cas cet essai plein d’intelligence mérite d’être lu et de nourrir le débat.
Sylvain Bonnet
Bertrand Badie, L’Art de la paix, Flammarion, octobre 2024, 256 pages, 21 euros