Enver Hoxha, le petit dictateur

On ne connaît pas du tout en France Enver Hoxha, dictateur communiste qui régna sur l’Albanie de 1944 à 1985, imposant à son pays de vivre totalement à l’écart du reste du monde, y compris des autres pays communistes. Bertrand Le Gendre, ancien rédacteur en chef du journal Le Monde, auteur d’une biographie de Bourguiba (Fayard, 2019) qui a obtenu le Grand prix de la biographie politique, se penche ici sur son cas.

Un dictateur francophile

Première surprise : Enver Hoxha a effectué ses études en France dans les années 1930, fréquentant des cercles de gauche. Il en garda une parfaite maîtrise de notre langue, au point de lire dans sa vieillesse les romans de Georges Simenon, auteur bourgeois qu’il interdisait à son peuple. Converti au marxisme, le camarade Enver voit son pays envahi par l’Italie fasciste. Résistant pendant la guerre, lui et le parti communiste albanais s’emparent du pouvoir en 1944 tout en subissant la pesante tutelle de Tito et des communistes yougoslaves. Hoxha souffre d’être citoyen d’un petit pays, peu connu, enclavé, qui compte peu pour les dirigeants du bloc communiste. Il réussit cependant à s’émanciper de Tito en s’appuyant sur Moscou.

Le maître d’un pays assiégé

Hoxha va réussir à se maintenir au pouvoir pour deux raisons. D’abord l’Albanie compte peu : sa prise d’indépendance par rapport à Moscou et son soutien à Pékin n’inquiètent pas Khrouchtchev. Ensuite, Hoxha va (sur)mobiliser l’ensemble de la société albanaise pendant trois décennies en la maintenant constamment en état d’alerte : et si le monde capitaliste attaquait ? Ou les traîtres soviétiques ? Hoxha ferme les frontières et vit dans un monde irréel tandis que ses concitoyens, surveillés par la police d’état, se taisent. Et cela fonctionne. Le plus surprenant est le soutien que certains gauchistes français lui apporteront longtemps, y compris après la rupture avec la Chine maoïste. Aujourd’hui l’Albanie a tourné la page de son régime et veut entrer dans l’UE… loin de ces années plombées.

Sylvain Bonnet

Bertrand Le Gendre, Enver Hoxha Albanie, les années rouges (1944-1991), Flammarion, février 2024, 240 pages, 22,90 euros

Laisser un commentaire