La Princesse au petit moi, roman raté de Jean-Christophe Rufin

L’infatigable Jean-Christophe Rufin a décidément la plume bien vagabonde. Après nous avoir amenés aux quatre coins de l’Afrique, de la Perse, de l’Amérique et jusqu’à Compostelle, le voilà qui découvre un royaume, forcément inconnu car imaginaire, serti de montagnes dans une lointaine vallée des Alpes. Royaume est un grand mot, disons plutôt principauté, un compromis entre Andorre et Monaco, gouvernée par une princesse étrange, supposée affectée d’une faible personnalité, d’où le titre du livre La Princesse au petit moi

un micro paradis fiscal

La principauté du Starkenbach a beau être minuscule, et fort éloignée des enjeux de la géopolitique planétaire, elle n’en est pas moins le siège d’affairistes avides de paradis fiscaux, de turpitudes diverses, d’adultères malheureux, et de sombres conflits de coulisses, comme seuls les trônes et les curies savent en générer. La princesse Hilda, certes, a passé cinquante ans, et ne devrait pas mener la vie désordonnée que l’impuissance de son mari excuse à peine. Seulement voilà : elle a disparu depuis plusieurs jours, sans aucune raison apparente, et le prince Rupert son mari, pourtant habitué à ses incartades, finit par s’inquiéter. 

C’est là qu’un petit diplomate français, Aurel Timescu, connu pour ses gaffes et mal noté par le quai d’Orsay, va intervenir. Le prince consort lui propose un pont d’or pour retrouver sa femme, où qu’elle soit, quel que soit le prix à payer pour cela, sous la condition expresse que cette mission soit strictement confidentielle. De ce jour, le petit diplomate devient une sorte de détective secret, doit slalomer entre les obstacles, et montrer des ruses de sioux, jusque dans les moindres couloirs du palais. Seulement Aurel Timescu ressemble bien plus à Jack Palmer qu’à Rouletabille, et c’est d’ailleurs en Corse que se trouve une partie de la solution. Mais c’est peu dire que les choses se présentent mal, surtout lorsqu’il s’agit de jongler avec les millions de dollars. Que va faire le pauvre Timescu au milieu de tous ces brigands ?

un petit roman de gare de trillage

Tel se présente le dernier roman de Rufin. Une aventure à la San Antonio, sans la drôlerie de Bérurier, avec une héroïne qui tient les ébats de l’amour pour une thérapie nécessaire, et des malfrats de haut vol, qui donnent bien du souci au « diplomate » lancé à leurs trousses. Mais à l’arrivée, tout cela est bien maigre. Ce n’est qu’une toute petite histoire comme il s’en écrit des centaines par an. Un tissu d’invraisemblances, un mauvais roman policier, un style relâché, une psychologie indigente.  

Où est passé le brillant auteur du Collier rouge, de L’Abyssin, de Rouge Brésil ? L’académicien, le médecin, passionné des causes humanitaires autant que d’Ispahan, a-t-il à ce point renoncé à écrire des bons livres ? Est-il gâté par le succès ? Préfère-t-il « faire des livres », comme tant d’autres cadres supérieurs de la littérature, assurés d’un bon tirage, et ainsi câlinés par les éditeurs. 

Monsieur Rufin, valeur sûre des lettres française, promettez de ne pas nous décevoir avec votre prochain bouquin. 

Didier Ters

Jean-Christophe Rufin, La Princesse au petit moi, Flammarion, 370 pages,

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