Histoire du repos, la lente invasion des loisirs

Historien singulier

Alain Corbin s’est fait connaître du grand public comme un historien du sensible, dans la mesure où il s’intéresse à l’histoire de nos cinq sens. On lui doit ainsi Le Miasme et la jonquille (Flammarion, 1982) et plus récemment La fraîcheur de l’herbe (Fayard, 2018) ou La rafale et le zéphyr (Fayard, 2021). Avec cette Histoire du repos, il s’attaque au fond à un des mythes de notre époque, le temps libre.

Qu’est-ce que le repos ?

Le début du livre pose clairement cette question. Le judaïsme et le christianisme ont par exemple, avec le Sabbat et le dimanche, imposé un moment de repos (même si pour les paysans le dimanche n’était synonyme de relâchement). Pendant des siècles, c’est le repos éternel qui était l’objectif des croyants comme le remarque notre historien : le repos de l’âme après les épreuves terrestres, une âme qu’il fallait sauver. C’est ce repos-là que visait Charles Quint en abdiquant par exemple. Il y avait des repos imposés aussi, par exemple lorsqu’un courtisan se voyait disgracié. Ou plus récemment lors des confinements.

Un temps libre qu’on ne sait occuper

Aujourd’hui, c’est différent. C’est le repos après le travail, après l’effort. Un repos qui se confond avec l’idée de temps libre et aussi lié à la peur du burn-out, du surmenage. C’est aussi le repos thérapeutique, après une longue maladie. Plus trivialement, c’est le repos des vacances, du Sea, sex and sun (merci Gainsbourg). On est ici très loin du Sabbat et est-ce vraiment du repos ? Au fond l’homme contemporain, toujours en tension, fuyant son mal-être, a perdu le sens du repos, si on suit Alain Corbin : il s’occupe. Pourquoi pas ?

Cette Histoire du repos est à lire pour réfléchir (méditer c’est aussi atteindre parfois une forme de repos).

Sylvain Bonnet

Alain Corbin, Histoire du repos, Plon, mars 2022, 167 pages, 15 euros

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