Blues pour Irontown, le côté sombre de la Lune

Le retour d’un auteur marquant

John Varley a fait ses débuts dans les années 70, à l’écart de la mode de la new wave et a commencé par livrer des nouvelles qui lui ont valu d’être remarqué du grand public : le recueil Persistance de la vision, autrefois paru dans la collection « Présence du Futur » chez Denoël, en témoigne et la nouvelle éponyme gagna le prix Hugo en 1979. Il est aussi l’auteur de romans comme Le Canal ophite, Gens de la Lune  et Le système Valentine : ces deux derniers romans imaginaient une humanité chassée de la Terre par une invasion extraterrestre et obligée de se replier sur la Lune ou sur d’autres planètes du système solaire comme Mars ou Charon. Blues pour Irontown se situe dans le même univers et marque le retour de Varley au roman après un silence de plusieurs années.

Une enquête peu ordinaire

La frangine entra dans mon bureau comme une brise chaude exhalée par le Pacifique. En d’autres circonstances, je l’aurais invité à danser le jiterrbug toute la nuit sur la jetée de Santa Monica, au swing de la clarinette d’Artie Shaw et des Gramercy Five. / Mais une paralèpre, ça gâche. »

Chris Bach est un privé, obsédé par le roman et le film noir des années 1940, qui opère sur la Lune après avoir été flic. Il essaie de survivre mais a peu de clients. Débarque un jour chez lui la belle Mary Smith. Elle recherche un homme qu’elle a rencontré dans une boîte, le Regard fugace, qui a lui refilé une forme de lèpre. Chris accepte l’enquête qu’il commence, aidé de son fidèle Sherlock, un chien génétiquement modifié qui est son seul ami. Très vite, il découvre que la trace de l’homme qui a contaminé Mary le ramène à Irontown, là où bien des années plus tard il a participé à des opérations policières très musclées contre la secte des « Heinleinistes », des libertariens qui vivent à part de la société sélénite. Et Chris, pour tout l’or du monde, ne souhaite pas remettre les pieds là-bas : il va y être pourtant obligé…

Rétro-noir et Science-fiction

Blues pour Irontown se révèle un roman savoureux, qui permet à l’amateur de renouer avec la verve de Varley (un très habile conteur) et avec l’univers de Gens de la Lune. C’est aussi un exercice de style où sont cités abondamment Raymond Chandler et son héros Philip Marlowe, le film Chinatown (le meilleur de Polanski) : la pensée de retourner à Irontown fait trembler Chris autant que J.J.Gittes à l’évocation de Chinatown. C’est ce qu’on appelle du « rétro-noir », genre hybride dont Blade Runner de Ridley Scott est le meilleur représentant. Dans le jeu des références, on notera aussi l’hommage à Robert Heinlein, à son œuvre Révolte sur la Lune En Terre étrangère où à sa philosophie libertarienne. On a donc ici un exercice de style savoureux, doublée d’une « speculative fiction » à la chute bien travaillée. Pour autant, il manque un petit plus, un grain de folie qui faisait le charme des nouvelles de Varley. En tout cas, il faut lire ce Blues pour Irontown dans une version non-expurgée : l’auteur explique dans son introduction avoir été obligé de faire des coupes dans son texte pour le rendre « politiquement correct » …  En tout cas, voici de la bonne science-fiction.

Sylvain Bonnet

John Varley, Blues pour Irontown, illustration de couverture d’Alain Brion, traduit de l’anglais par Patrick Marcel, Denoël, « Lunes d’encre », février 2019, pages, 20 sur

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