Blue Beetle, le scarabée sans ailes de DC

Tout juste diplômé de l’université, Jaime Reyes rentre auprès des siens, à Palmera City et les retrouve en grande difficulté financière. Alors qu’il cherche une solution à leurs problèmes, le jeune homme fait la connaissance de Jenny Kord, membre de la famille la plus influente de la ville. Cette rencontre va très vite bouleverser son existence puisque pour aider cette riche héritière, il va devoir veiller sur un mystérieux organisme extraterrestre ; à son contact il va devenir malgré lui un puissant super-héros…

Il y a quelques mois, James Gunn, fraîchement placé aux commandes du DCU, a annoncé en grande pompe une relance globale de la franchise et par la même occasion une multitude de nouveaux projets. Par conséquent, les admirateurs du Snyderverse ont dû faire le deuil de la vision du réalisateur de Man of Steel alors que certaines têtes d’affiche, dont Henry Cavill, ont été remerciées dans le même temps.

Une manière pour le metteur en scène des Gardiens de la Galaxie de repartir sur des bases solides alors que la licence bat de l’aile et que les résultats au box-office sont de plus en plus catastrophiques. Dans tous les cas, le remplacement d’un auteur surévalué tel que Zack Snyder par un autre, d’un acabit identique, James Gunn ne devrait pas réjouir les cinéphiles. Mais nous n’en sommes pas encore là et le meilleur peut toujours se produire…

En revanche, pour le studio, il faut solder pour l’instant l’héritage des prédécesseurs de James Gunn quitte à assumer le naufrage à l’arrivée. Et à l’instar du Titanic, Warner coule avec ses super-héros, mais ses patrons, en bons capitaines restent jusqu’au bout. Ainsi, la firme conserve son cap après les échecs cuisants (bien mérités) de Shazam ! La Rage des Dieux et de The Flash en offrant à présent Blue Beetle, éminent symbole de l’incompétence de sa direction.

La stratégie du flop

En effet, il faut reconnaître que le navire DCU navigue à vue depuis un bon moment, démuni d’une stratégie précise, balloté entre le fameux « Snyderverse » et les postures adoptées par les autres réalisateurs. Contrairement à son grand rival le MCU, l’univers cinématographique consacré à Superman et consorts ne repose pas sur une formule claire (même s’il est vrai qu’elle s’est largement étiolée pour le Marvel de Kevin Feige). Cependant, les deux adversaires se sont désormais trouvés un point commun de taille, celui de porter à l’écran des personnages de deuxième zone (souvent sans véritable intérêt), incapables de renouveler leur filon et essaient au passage de voguer sur des sujets sociétaux brûlants avec une volonté toute racoleuse.

Et Blue Beetle, engendré avant l’intronisation de James Gunn, s’inscrit dans cette mouvance et prouve aussi que lors de sa gestation, Warner ne croyait déjà plus dans l’avenir de son DCU. Le choix d’Angel Manuel Soto pour diriger le long-métrage le confirme ; en confiant un blockbuster de cette envergure (certes moins coûteux que les dernières sorties de l’écurie en date) à un réalisateur peu expérimenté signifiait le dédain de la firme envers le film.

Néanmoins Blue Beetle et son alter ego Jaime Reyes pouvaient séduire la communauté latino-américaine (ah le racolage « made in Hollywood ») en interrogeant sur son quotidien difficile, sur son éternel combat pour être enfin acceptée et sur les liens solides qui unissent ses membres. Mais ne demandez pas trop à des ânes d’évoquer avec délicatesse un thème autant sensible. Car sur ce point et sur le reste d’ailleurs, Blue Beetle échoue aussi bien à parler de l’Americana de la famille Reyes qu’à présenter son protagoniste surhumain de manière efficace.

Standards du pauvre

Angel Manuel Soto ignore toute subtilité lorsqu’il aborde les problèmes du clan Reyes ou quand il brosse le portrait des inégalités sociales qui règnent à Palmera City. Marquer les divisions de la mégalopole fictive en soulignant le contraste existant entre les bâtiments rutilants de l’industrie Kord et ceux délabrés des quartiers populaires relève de la paresse. Quant aux rapports entretenus entre les différents membres de la famille Reyes, ils sont décrits avec un sentimentalisme exaspérant, équivalent à celui de Fast and Furious ou d’Avatar. Les clichés exsudent par tous les pores de la peau (ou du costume) de Blue Beetle, pire cela dégouline et déborde.

En outre, le cinéaste oublie tout sens du rythme, tant sa narration s’enlise dans les stéréotypes et finit par plonger le public dans un ennui profond. S’il évite la démultiplication des connotations à la pop culture (excepté l’épisode du « Facehugger » à la Alien) ou au recours aux caméos, Angel manuel Soto ne parvient jamais à insuffler la candeur juvénile propre à ce type de récit des origines (similaire à celui d’un Spider-Man) ni à instiller la vigueur épique que l’on attend d’une œuvre super-héroïque. Il se contente de recracher sa leçon, mais sa copie brouillonne et insatisfaisante déplaît voire agace. Et ce n’est pas en réutilisant les idées du scénario pas bien épais du premier Ant-Man qu’il pourra rafistoler l’ensemble.

Fort heureusement, tout calvaire a une fin et très bientôt, Aquaman et Le Royaume perdu viendra clore ce chapitre douloureux pour l’histoire de DC à l’écran. Toutefois, les pseudo-expérimentations de Warner auront terni l’image de ses super-héros ainsi que quelques carrières, à commencer par celles d’Angel Manuel Soto et de ses acteurs, dont la participation à ce Blue Beetle ne constituera pas une belle référence à leurs curriculum vitae.

François Verstraete

Film américain d’Angel Manuel Soto avec Xolo Maridueña, Bruna Marquezine, Susan Sarandon. Durée 2h08. Sortie le 15 août 2023

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