Le Régent, un princes pour les Lumières
On connait Thierry Sarmant pour deux ouvrages coécrits avec Mathieu Stoll, régner et gouverner : Louis XIV et ses ministres (Perrin, 2010), Le Grand Colbert (Tallandier, 2019), puis une biographie de Pierre le grand (Perrin, 2020). Ici, il a choisi de s’intéresser à une figure originale, celle du Régent Philippe d’Orléans, décédé il y a tout juste trois siècles en lui consacrant un ouvrage pour la collection « bibliothèque des histoires ». Ainsi, gravures, peintures, lithographies sont ici convoquées pour mettre en lumière la personnalité complexe du neveu de Louis XIV.
Le prince qui a tous les talents
Si Philippe d’Orléans nous intrigue encore, c’est par la multiplicité de ses dons. Fils d’un prince excentrique et un peu superficiel, Philippe se révèle, une fois bien pris en main, un homme très intelligent, perspicace, curieux des sciences, amateur de musique (il en compose lui-même), excellent danseur (comme son oncle dans sa jeunesse) et bon militaire. Tout le contraire de ses cousins, du grand Dauphin aux fils de madame de Monstespan (comme le bon duc du Maine), et Louis XIV, jaloux mais lucide, le sait. Philippe va alors s’illustrer sur les champs de bataille en Europe, s’éparpiller dans des intrigues sans lendemain tout en héritant de son père. Une succession de décès princiers entre 1711 et 1714 le rapproche du trône, on le soupçonne même de les avoir empoisonnés (voilà ce que c’est de s’intéresser à la chimie et à l’alchimie). Son oncle, dans son testament, le reconnait comme Régent mais flanqué d’un conseil qui annihile ses prérogatives : Philippe n’hésitera pas à faire casser le testament tout en redonnant (erreur funeste pour l’avenir de la monarchie) le droit de remontrance au parlement de Paris).
Un bilan très favorable
Philippe d’Orléans est passé à la postérité comme le libertin ultime, athée, jouisseur et passant ses nuits dans des bacchanales interminables comme le montre le film de Bertrand Tavernier Que la fête commence. Tavernier aréaliséun chefd’œuvredont l’historicité est en partie douteuse. Sur le fond, le Régent réussit à éviter les guerres civiles et extérieures, se réconcilie avec l’Angleterre et neutralise les oppositions. Si le système de Law est un échec financier, il apure cependant la situation économique et favorise la reprise du commerce. Outre son goût pour les femmes, le Régent s’est donc révélé un dirigeant de premier ordre, en digne héritier de son oncle. Le bel ouvrage de Thierry Sarmant le rappelle avec talent.
Sylvain Bonnet
Thierry Sarmant, Le Régent, Perrin, « bibliothèque des histoires », mai 2023, 256 pages, 25 euros