Les Trois Mousquetaires : Milady, de cape et de mousse
Devenu mousquetaire après avoir participé au sauvetage du roi, D’Artagnan assiste impuissant au rapt de sa bien-aimée Constance. Pour la secourir, il va devoir compter sur ses amis fidèles, mais également nouer de dangereuses alliances. Le temps presse et, en secret, de puissants conspirateurs aspirent à détruire le pays de l’intérieur…
Hormis la franchise Astérix et peut-être Le Pacte des loups, peu de superproductions hexagonales ont réuni au vingt et unième siècle un parterre de vedettes aussi conséquent que celui à l’affiche de ce diptyque consacré à l’œuvre d’Alexandre Dumas. Voilà pourquoi le premier volet avait fait sensation à sa sortie il y a quelques mois et que sa suite, Les Trois Mousquetaires : Milady attirera, sans doute en partie, les foules et les curieux. Ce serait d’ailleurs souhaitable, tant le budget colossal alloué aux longs-métrages de Martin Bourboulon paraît difficile à rentabiliser en salles. Quoi qu’il en soit, toute publicité est à prendre désormais, tant l’opus précédent n’avait pas montré de qualités exceptionnelles et que ses lacunes alimentaient l’argumentation irréfutable des détracteurs du cinéma français.
Ce dernier rejoint aujourd’hui son homologue américain quand il s’agit d’injecter des montants gargantuesques à quelques blockbusters pour des résultats fort décevants. Folie des grandeurs et décadence à l’arrivée ! Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu et Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan cette année en incarnent les exemples incontestables. Et Les Trois Mousquetaires : Milady entérine ce constat accablant. Qui plus est, Eva Green peinera à sauver l’honneur de l’ensemble cette fois-ci, même si elle demeure le point fort indéniable de la saga. Ici, le problème ne provient pas de l’adaptation elle-même, mais d’un cruel manque de savoir-faire d’un réalisateur en roue libre.

N’oubliez pas les violons
Avant de partir pour le siège de La Rochelle, Athos rend visite à son jeune fils. Avec un cinéaste un poil talentueux, on s’attendrait à des adieux déchirants, mais sobres et une mise en scène qui ne force pas sur le pathos. Tout le contraire ici, hélas. Cette courte séquence atteste à elle seule de la pauvreté formelle du cinéma de Martin Bourboulon. Sous sa direction les acteurs en rajoutent tandis que la musique pompière achève le cinéphile averti. Tout sonne faux et les moments à caractère tragique qui s’ensuivront (à commencer par le dialogue entre Milady et Constance) souffrent d’une lourdeur identique. Le cinéaste patauge et le film se vautre dans une complaisance crasse.
Et n’allez pas croire que les combats le sauvent de la catastrophe, bien au contraire. Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan produisait déjà des affrontements illisibles, plan-séquence et caméra à l’épaule nuisaient au rendu. Dans Les Trois Mousquetaires : Milady cela s’aggrave et le caractère épique tant désiré s’essouffle rapidement. Le film d’aventures trépidant souhaité et annoncé se noie dans des passes d’armes indigestes, sans imagination ni passion. Quant à la prise de La Rochelle, censée représenter l’un des points d’orgue héroïques du long-métrage, elle ne suscite que peu d’émotions tant le déroulement, cousu de fil blanc, n’étonnera même pas le public non initié aux romans originaux.
Mais le plus navrant réside dans la construction narrative, constituée de quelques bribes d’information sur lesquelles se raccroche désespérément Martin Bourboulon. Il démultiplie les intrigues et se voit dans l’incapacité à les traiter toutes correctement, sacrifiant au passage la moitié de ses personnages. Pire encore, la conclusion nous introduit le véritable enjeu de la saga sur grand écran avec un climax racoleur digne d’Hollywood.

Au service de Milady
En effet, seul le titre ne dissimule pas les intentions des créateurs. Oui, Milady et Eva Green sont valorisées et supplantent le reste de la distribution, si bien qu’elle éclipse tous les autres protagonistes. Mousquetaires et hommes de pouvoir sont réduits à un rang de figurant en sa présence. De fait, on s’attache davantage à cette anti-héroïne au discours féministe louable, mais mal dégrossi, contrasté par ses multiples frasques et ses coups tordus. Dans ce rôle, Eva Green accomplit une nouvelle fois une performance honorable, y compris dans les situations de jeu compromises par la réalisation de Martin Bourboulon.
Fort heureusement, puisque la femme fatale aura le droit à sa série télévisée dans un futur proche. Les Trois Mousquetaires : Milady va engendrer deux spin-offs et imiter ainsi ses compères de chez Marvel outre-Atlantique. Cette démarche mercantile vide de sens agace et interroge d’autant plus sur l’avenir de notre septième art national. Surtout qu’ici, le produit propose une finition hasardeuse et que tout le monde navigue à vue dans ce quasi-naufrage.
Il y a si peu de choses à sauvegarder dans Les Trois Mousquetaires : Milady que sur certains points il se rapproche de la catastrophe Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu. Bien propre sur lui, le film de Martin Bourboulon échoue dans les grandes largeurs à titiller notre âme d’adolescent et ne nous engage nullement à croiser le fer avec les lames du cardinal.
François Verstraete
Film français de Martin Bourboulon avec François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris, Eva Green, Lyna Khoudri. Durée 1h55. Sortie le 12 décembre 2023