L’Abwehr, histoire du service secret nazi en France
Gérard Chauvy, historien, contribue régulièrement au Progrès et au magazine Historia. On lui doit notamment Les Eminences grises du nazisme (Ixelles éditions) et La Gestapo française (Acropole, 2018), coécrit avec Philippe Valode. Il publie cette année une étude sur les services secrets de l’armée allemande, l’Abwehr, chez Perrin.
Un outil efficace contre la Résistance
Créé après la défaite de 1918, l’Abwehr, dirigé par le légendaire amiral Canaris à partir de 1935, a du mal à lutter contre son principal adversaire, les services de renseignement français, qui remporte de nombreux succès sur le plan du contre-espionnage. Le service est plus efficace en Espagne, pays que Canaris affectionne particulièrement. Tout change avec la défaite de 1940 : l’Abwehr arrive dans le sillage de la Wehrmacht, investit l’hôtel Lutetia et crée les bureaux Otto, chargés de revendre des biens saisis, pour financer son activité.
Et force est de constater que ça marche : avec des maîtres espions comme Oscar Reile, l’Abwehr démantèle de nombreux réseaux de Résistance de 1941 à 1943, retournant les hommes et les femmes, infiltrant avec brio les différents groupes. L’arrestation du général Delestraint et celle de Jean Moulin sont largement dues au travail de l’Abwehr.
Des lacunes fatales
Très efficace donc en matière de contre-espionnage et dans la répression contre la Résistance française, l’Abwehr s’avère par exemple déficiente en matière de renseignement. Elle est par exemple incapable de réussir à constituer un réseau en Angleterre ou encore de collecter les bonnes informations à l’étranger sur les réseaux alliés. L’opération « Fortitude », la meilleure opération de déception menée par l’armée britannique, a complètement intoxiqué les allemands. Si l’Abwehr passe sous le contrôle du SD, elle continue son activité jusqu’à la fin de la guerre. Et les alliés récupéreront ses agents dans le cadre de la lutte contre le communisme.
Gérard Chauvy propose avec L’Abwehr une synthèse brillante et limpide.
Sylvain Bonnet
Gérard Chauvy, L’Abwehr, Perrin, avril 2023, 368 pages, 22 euros