« Cette maudite race humaine », inédits de Mark Twain

Mark Twain (1935-1910), le père de la littérature américaine, était un homme facétieux. Mais parfois trop, au point que ses descendants ont cru bon de cacher certains textes jusqu’en… 1962. Et voici que quelques petits textes inédits, courts essais satiriques sur la nature même de l’homme, sont enfin traduits en français.

Le Monde a-t-il été fait pour l’homme ? est une vaste démonstration de l’infinie patience de la nature qui a dû attendre tant et tant pour qu’enfin l’homme advienne.

Au tribunal des animaux juge comme en cours martiale des animaux pacifiques et des animaux belliqueux, condamnant les uns et médaillant les autres, et toujours parce qu’ils respectent la Nature. Or donc, n’est-ce point le jugement lui-même qui est mis en cause ?

« La Terre » de Zola, qui se présente comme une charge contre le roman et l’auteur, voire contre les Français en général, est un hommage à l’universalité de son humanisme et de la liberté dont dispose la littérature française, pour nommer les choses. En regard, la littérature américaine apparaît bien fade et timorée.

L’intelligence de Dieu est une charge contre la médiocrité humaine qui croit pouvoir berner Dieu, en n’étant pas fidèle en actes aux paroles et prières adressées à Celui qui fit tout et sait tout, comme si la bêtise de l’homme consistait, en quelque sorte, à prendre Dieu pour un imbécile…

L’Animal inférieur, remet les choses en ordre et montre comment l’homme est l’animal inférieur car doté d’un sens moral. En posant quelques expérience, Twain inverse ainsi la preuve darwinienne et montre combien l’homme est inférieur : à la fois déraisonnable et doté de ce sens moral qui l’handicape plus qu’autre chose. Son exemple est celui d’animaux différents en cage et apprenant à vivre ensemble (chat, lapin, chien, renard, etc.) et des hommes de confessions différentes ne pouvant se supporter et finissant, sur un détail de Foi, par s’entretuer. A moins que tout cela ne soit pour Twain qu’une manière caustique de se moquer non pas des hommes, mais des croyants…

 

« Plus bas que nous [l’être humain], rien. Rien, si ce n’est le Français »

 

La préface de Nancy Huston permet de restituer Mark Twain mais aussi de comprendre à quel point le lecteur français s’en est fait une idée sinon fausse du moins partielle.

Irrévérencieux, aussi bien avec ses contemporains qu’avec les scientifiques les plus émérites, Mark Twain s’attaque à la France — qu’il connaît bien pour y avoir séjourné plusieurs années et avoir consacré un roman historique à Jeanne d’Arc — comme à cette vieille amie dont on voudrait qu’elle n’ai pas raison quand elle montre que l’homme n’est pas l’être supérieur et digne qu’il se prétend. Et ce faisant, c’est à l’homme qu’il s’adresse et l’invite à mieux se regarder.

 

Maniant le second degré et l’humour-sérieux comme nul autre, Mark Twain nous convie au procès de l’homme : quelle réjouissance !

 

 

Loïc Di Stefano

 

Mark Twain, Cette maudite race humaine, préface de Nancy Huston, traduit par Isis von Plato et Jörn Cambreleng, Actes sud, « un endroit où aller », janvier 2018, 73 pages, 9,50 eur

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