Paul Auster, Baumgartner

Annoncé comme son dernier roman par Paul Auster lui-même, Baumgartner a une valeur particulière. Non pas qu’il s’agisse de son œuvre capitale, son plus grand roman, mais sa valeur testimoniale et autobiographique est essentielle. D’autant qu’il s’agit des réflexions d’un vieux professeur de philosophie, apte mieux que personne à faire le point sur sa vie passée.

Une vie

A 71 ans, Seymour Baumgartner est un ancien professeur de philosophie à Princeton. Il se remémore le cours de sa vie dans un automne incroyablement doux, comme une invitation à s’épancher et à réfléchir. Veuf depuis 10 ans, il n’a pas fait son deuil de l’amour de sa vie. Dans une verve qui alterne mélancolie et sursaut de force, il parle de lui, d’elle, des faits importants de leur vie, et parsème le tout de réflexions philosophiques et humanistes sur le sens même de l’existence.

Et l’existence d’un homme de lettres, d’un homme qui a consacré sa vie à la pensée, au savoir, à l’art. Mais qui a aussi laissé entrer comme élément cardinal le hasard — et la nécessité ! — comme ligne directrice de la vie. Avec ses incertitudes, ses doutes, ses révélations, et toujours l’inconnu en ligne de mire, et la fidélité — à soi, à l’autre —, notamment au souvenir de son amour.

Un roman testimonial

Qui lit Paul Auster régulièrement reconnaîtra un grand nombre de petites références à son univers littéraire et même à sa vie privée. Dans l’immense 4321, il s’amusait à donner à lire quatre version de ce qu’il aurait pu être. Faisant face à la maladie, le projet de Paul Auster est ici plus simple : retracer une vie qui pourrait être la sienne.

Feue l’épouse de Baumgartner s’appelait Anna Plume (Le Voyage d’Anna Blume, 1987), et ses grands-parents étaient des Auster, elle était poète, comme Siri Hustvedt, seconde épouse du romancier, heureusement toujours en vie. Les exemples sont nombreux et forment un élégant parcours pour relire l’œuvre complète de ce monument de la littérature mondiale.

Baumgartner est un roman court, qui n’a rien d’exceptionnel, ni dans sa construction ni dans son fondement. Pourtant il touche, il émeut, d’autant qu’on sait son auteur en lutte depuis plus d’un an avec un cancer. Il est comme le condensé de la pensée sur son œuvre d’un auteur majeur. Et sa valeur testimoniale est accrue par l’annonce du décès de l’auteur, survenue le 30 avril 2024.

Loïc Di Stefano

Paul Auster, Baumgartner, traduit de l’anglais (USA) par Anne-Laure Tissut, Actes sud, mars 2024, 200 pages, 21,80 euros

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