Yellow cab, devenir taxi à New York

Vie ma vie de naufragé new yorkais pourrait être le résumé de Yellow Cab. Chabouté a décidé d’adapter le roman autobiographique de Benoit Cohen (Flammarion, mars 2017). Le résultat est stupéfiant et angoissant car l’idée même de s’improviser taxi dans cette mégapole bouillonnante est effrayante.

Immersion en terre inconnue

Vous êtes chauffeur de taxi depuis longtemps ? 7 ans. Vous savez je me suis inscrit dans une école, je vais passer ma licence. Monsieur ? Oui ? Ne faites pas ça !

Benoit Cohen cherche l’inspiration, il parait en manque d’aventures. Une drôle d’idée lui vient : devenir taxi à New York pour s’immerger dans un environnement inconnu et hors normes. L’idée saugrenue va le confronter à deux territoires incompatibles. Le premier est inhospitalier, celui de décrypter les rouages de l’administration américaine pour être habilité à piloter un yellow cab et obtenir le précieux sésame. Le second est de s’immerger parmi les autres migrants venus comme lui chercher le rêve américain.

La réalité va être tout autre. L’écrivain, réalisateur ne doit pas se faire remarquer par ses autres collègues, il créé son personnage, mal rasé et taciturne. Sa méconnaissance — ou sa naïveté — mais surtout les nombreuses difficultés à surmonter vont lui faire perdre du temps et de l’argent. Mais elles fourniront un nombre incalculable d’anecdotes et de situations propices à nourrir son récit.

New York je t’aime moi non plus

La chauffeuse de taxi, personnage principal de mon film, deviendra comme moi : une fonction sociale, rien de plus…

Yellow cab nous plonge dans une expérience singulière et en aucun cas on souhaite prendre sa place dans cette folle aventure humaine. D’autres écrivains ou journalistes ont tenté l’expérience, on pense notamment à Florence Aubenas et à son livre Quai de Ouistreham. Se rapprocher des plus démunis qui tentent de subsister au quotidien. Le point commun est évident mais confronté à une cité où tout le monde parait isolé et pris dans un combat perpétuel pour exister. C’est aussi une manière de sauver les apparences, celles des chauffeurs de taxi mais aussi des clients véhiculés avec qui la communication est réduite à néant. C’est ce que révèle Yellow cab, ce roman autobiographique : les genres ne se mélangent que très peu, chacun est isolé dans son rôle, le taxi driver est transparent, il reste un inconnu. Il pourrait être un robot que la conversation ne serait pas plus consistante.

Le talent de Christophe Chabouté est de retranscrire la difficulté éprouvante pour s’affranchir des règles américaines. Il faut véritablement trimer, et pour, au final, faire un métier tout aussi incroyable qu’impopulaire. 

La magie du noir brutal agit. Christophe Chabouté a beaucoup travaillé sur l’ombre et les faux semblants. On retrouve New York que l’on aime, sa verticalité et la vie bouillonnante de la rue. Il a su créer de très nombreux personnages qui s’installent à l’arrière du taxi. Ils paraissent souvent sans vie ou en tout cas avec des expressions hautaines, impassibles ou perdues.

Xavier de La Verrie

Chabouté, Yellow cab, adapté du roman de Benoit Cohen, Vents d’Ouest, janvier 2021, 168 pages, 22 eur

Laisser un commentaire