Une éducation orientale, l’autobiographie dessinée de Charles Berberian
Touchant carnet de croquis autobiographique
Né à Badgad d’une mère grecque et d’un père iranien, Charles Berberian est un sacré melting-pot. Il s’est inscrit dans l’univers des fanzines et de la bd très jeune. Sa rencontre avec Philippe Dupuy engagea une longue et fascinante collaboration. Dans Une éducation orientale, il raconte avec beaucoup d’humour son retour sur ses terres natales et nous fait découvrir avec émotion ses multiples facettes.
Vive le petit Coronavirus illustré
C’est là que j’ai ressenti pour la première fois à quel point dessiner vous pouvait être un refuge et un abri.
Ce projet démarre avec le Covid, cette longue parenthèse permet à l’auteur de s’occuper et forcément de dessiner. Il a tout le temps devant lui et croque ce qu’il aperçoit, ce qu’il entend. Les oiseaux l’inspirent, eux qui vivent leur liberté, ils deviennent les héros de ses strips.
Cette pause bienfaitrice lui permet de se remémorer la dernière fois qu’il s’était retrouvé coincé de la sorte. C’était en 1975, pendant la guerre civile à Beyrouth. Il propose ainsi ses souvenirs, ses photos et ses dessins. Il nous plonge dans son enfance heureuse et incertaine dans un pays en proie aux troubles de la guerre.
Au Liban, les gens vivent en ayant traversé la ligne blanche du chaos. Ils sont passés de l’autre côté, du côté de « ça ne peut pas aller pire.
Sa jeunesse est indissociable des souvenirs de son grand frère, Alain. Celui qu’il vénérait jeune, celui qui, rapidement, avec sa caméra, est devenu monteur à Canal+ et réalisateur du premier film des Nuls, La Cité de la peur.
Sauts de puces philosophiques et graphiques
Quel délice de naviguer dans la tête bien remplie de l’auteur et de ses riches souvenirs.
Même si on imagine cette vie difficile loin de ses parents, habitant chez sa grand-mère. Ce déracinement éprouvant à 16 ans pousser par la guerre à quitter sa patrie pour rejoindre la France. Et le décès de son grand frère, à la fois une déchirure qu’il n’exprime que peu et sa volonté de transmettre les valeurs de ses racines.
Tantôt noir et blanc, complété de quelques touches de couleurs aquarellées, tantôt assemblage de photos d’archives ou encore de cartes postales vintage, Une éducation orientale est un ensemble hétéroclite. Avec justesse et pour le plus grand plaisir du lecteur, les styles graphiques se superposent comme autant de peintres s’essayant à différentes techniques. c’est bigarré et très réussi.
Charles Berberian se dévoile dans Une éducation orientale, une autobiographie dessinée dans lequel on se balade à ses côtés dans le Liban où il aime insatiablement revenir depuis 2005, 30 années après l’avoir quitté.
Xavier de la Verrie
Charles Berberian, Une éducation orientale, Casterman, octobre 2023, 136 pages, 25 euros