L’Amérique en guerre, la naissance du leadership états-unien
Historien affecté au Mémorial de Caen, Christophe Prime est l’auteur de La bataille du Cotentin (Tallandier, 2015) et aussi de SAS les indomptables (OREP Editions, 2023). Il nous donne ici une grande synthèse, très ambitieuse, sur l’engagement américain dans la seconde guerre mondiale.
De l’isolationnisme à Pearl Harbor
On le sait, l’Amérique est retournée après son engagement dans la Grande guerre à son isolationnisme traditionnel en ne ratifiant pas le traité de Versailles. Élu en 1932, Roosevelt, démocrate et ancien partisan du président Wilson, se concentre sur les problèmes intérieurs hérités de la grande dépression. Mais il est lucide et voit petit à petit monter les périls en Europe. Il est cependant pieds et poings liés face à un Congrès profondément isolationniste. Alors il louvoie, prépare lentement l’opinion, réarme discrètement. Le désastre de mai-juin 1940 et l’effondrement de la France change certainement ses calculs stratégiques. Désormais, il choisit d’aider l’Angleterre progressivement et massivement. Négligea-t-il la menace japonaise ? Les sanctions prises contre Tokyo, notamment sur l’embargo sur le pétrole, ont joué dans la détermination japonaise à frapper la flotte américaine. A partir de ce moment, l’Amérique est en guerre, y compris face à Hitler qui la lui déclare. Le formidable potentiel industriel américain, fondé sur la standardisation et la production en série, va jouer à plein en faveur des alliés.
Des erreurs et des victoires
Si l’engagement américain fut d’emblée massif, si des millions d’américains s’engagent dans l’armée pour ce qui sera « la bonne guerre », il y a aussi des erreurs. D’abord, la guerre ne met pas fin au racisme en vigueur dans la société américaine vis-à-vis des noirs, toujours ségrégués dans des unités à part même si cela s’atténue avec le temps (Roosevelt fait tout ici pour conserver le soutien des démocrates du Sud). N’oublions pas ici le sort des « nisei », les américains d’origine japonaise dont beaucoup de familles sont enfermés dans des camps. Sur un plan militaire, l’armée américaine doit faire ses preuves face aux alliés anglais, aguerris par deux années de conflit, et surtout face à une Wehrmacht encore efficace. Les premiers engagements en Afrique du nord sont désastreux… mais l’armée américaine apprend de ses erreurs, s’entraîne et se modifie, sans compter sa puissance de feu. Les débarquements en Sicile et en Italie sont réussis. En Normandie, la victoire est nette et le talent manœuvrier d’un général Patton fait la différence. Lors de la bataille des Ardennes, le GI se bat et se bat bien face à un adversaire qu’il n’a plus à envier. Dans le Pacifique, la guerre est féroce face à un adversaire impitoyable, avec une dimension raciste absente en Europe. Un mot sur le projet Manhattan, signe de la supériorité économique américaine à l’époque, qui permet de fabriquer la bombe atomique, larguée sur Hiroshima et Nagasaki.
La guerre est gagnée, Roosevelt est mort. Le gouvernement américain prend alors des mesures pour favoriser la réinsertion des anciens soldats tandis que la guerre froide menace. Ce livre aide à comprendre comment l’Amérique s’est mobilisée et a gagné, malgré des erreurs. Clair et efficace.
Sylvain Bonnet
Christophe Prime, L’Amérique en guerre, Perrin, février 2024, 624 pages, 24 euros