La dernière invasion, la gloire et l’échec

Fonctionnaire au ministère des affaires étrangères et déjà auteur d’un ouvrage passionnant, La Première guerre mondiale dans le Pacifique (Passés composés, 2021), Maxime Reynaud publie cette année La Dernière invasion, livre consacré à la dernière tentative d’invasion de la Grande-Bretagne par la France en 1798, en pleine Révolution.

Des îles britanniques plutôt vulnérables

En fait, on devrait plutôt parler de tentatives au pluriel car à partir de 1796, les français lancent plusieurs tentatives de débarquement. Celle de Hoche en 1796 est la plus ambitieuse, rassemblant 14 000 hommes sur 35 navires de guerre. Si elle échappe à la surveillance de la Royal Navy, le mauvais temps disperse la flotte qui se présente en ordre dispersé face aux côtes de l’Irlande, dans la baie de Bantry. Les reconnaissances effectuées montrent les faibles effectifs de l’armée anglaise mais Hoche choisit de repartir. Humbert, futur général de l’expédition de 1798, fait partie de cette expédition qui démontre la vulnérabilité des îles britanniques. Plusieurs tentatives ont ensuite lieu, le Directoire comptant sur une insurrection des Irlandais unis de Wolfe Tone qui a effectivement lieu en 1798 mais trop tôt : c’est fin août 1798 qu’Humbert et son millier de soldats débarquent sur les côtes du comté de Mayo.

Un échec malgré l’exploit militaire

Maxime Reynaud raconte avec minutie l’arrivée des français, l’accueil des irlandais et leurs succès militaires initiaux. Aux commandes de l’armée britannique, on retrouve Lord Cornwallis, le vaincu de Yorktown, qui prend l’affaire très au sérieux tout en surévaluant le nombre des français. Ceux-ci prennent attention à ne pas attaquer la religion catholique (songeons à la déchristianisation entreprise quelques années plus tôt sous la Terreur), ménagent les élites protestantes et traitent bien les prisonniers et les blessés anglais (dans le camp adverse il en sera de même). Les Français sont marqués par la pauvreté et le dénuement des irlandais… Pendant un mois, le général Humbert et son petite armée font des miracles, recrutant de plus en plus d’Irlandais, mais l’échec est programmé : le Directoire tarde trop à envoyer des renforts. On peut d’ailleurs se demander si Paris a vraiment pris au sérieux cette tentative, tant la disproportion des moyens entre l’expédition d’Égypte et celle d’Irlande est flagrante. Pouvait-elle réussir ? N’aurait-il pas été judicieux de frapper directement l’Angleterre ? L’analyse que livre Maxime Reynaud est en tout cas passionnante.

Sylvain Bonnet

Maxime Reynaud, La Dernière invasion : 1798, quand la France révolutionnaire débarque dans les îles britanniques, Passés composés, mars 2024, 284 pages, 22 euro

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