Ce qui est nommé reste en vie de Claire Fercak

Comme un pendant à Rideau de verre (Verticales, 2007), Claire Fercak clôt le roman familial avec Ce qui est nommé reste en vie. L’expérience personnelle de l’auteur est transfigurée, sublimée, dans un roman à la deuxième personne du pluriel, ce vous si fort qui a rendu Michel Butor et sa Modification célèbre à jamais. Ce vous qui est une distance salutaire pour extraire le mal qui est en soi. Et ce vous pour universaliser le traumatisme afin de pouvoir le dépasser.

Du pouvoir de nommer pour l’éternité

Le titre insiste sur le pouvoir des mots, leur pouvoir, au-delà du temps. Ceux pour supporter le long délitement de l’être absolument aimé. Ceux pour que la mort s’efface devant l’éternité d’un amour si fort et si pur. C’est en les nommant qu’Adam, sous l’impulsion divine, donne sens aux êtres vivants. Claire Fercak donne la parole aux malades, aux soignants, aux souffrants, aux accompagnants.

Être au chevet

ce qui est nommé reste en vie est l’expérience d’une personne qui est au chevet d’une autre. L’expérience personnelle de l’auteur ne sert que — ceci n’est pas restrictif — de supporter à une expérience plus universelle. Ce n’est pas de son vécu qu’il est question, mais d’une humanité commune transcendée par l’expérience. Ainsi, contrairement à un Eric-Emmanuel Schmitt par exemple, qui dans son Journal d’un amour perdu (Albin Michel, 2019) ouvre le carnet quotidien de son chagrin d’homme redevenu un petit garçon par le chagrin de la perte de sa mère, Claire Fercak évite le piège de l’autobiographie, du mièvre, du commun, pour transcender cette effroyable expérience. Elle en fait un don de sa voix pour les autres, elle offre sa souffrance personnelle pour que survive le nom.

ce qui est nommé reste en vie est un très beau roman. Souvent difficile, il laisse percer une belle lumière d’humanité et d’amour.

Loïc Di Stefano

Claire Fercak, ce qui est nommé reste en vie, Verticales, janvier 2020, 151 pages, 16 eur

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