Ce qu’ici-bas nous sommes, la folie de Jean-Marie Blas de Roblès
La phrase qui donne son titre à Ce qu’ici-bas nous sommes est en réalité la dernière du livre, qui se conclue par ces mots : « Ce qu’ici-bas nous sommes, n’en déplaise à Hölderlin, même un dieu ne saurait le modifier ». Mais avant d’en arriver à ces lignes ultimes, le lecteur aura voyagé avec l’auteur dans des pays improbables, des contrées farfelues, des rêves inavouables, et dans ces « terra incognita » dont Jean-Marie Blas de Roblès a le secret.
quand l’étrange devient le quotidien
On sait que l’écrivain affectionne les échappées lointaines, mariant l’histoire à la géographie, et l’onirisme à la réalité. On sait aussi que ses livres précédents ont été couverts de récompenses, avec six prix littéraires au total. Ce qu’ici-bas nous sommes nous entraine, sur une plume magistrale, vers une oasis où la raison se perd un peu, où l’étrange devient le quotidien, où l’on bascule sans le dire dans des sommeils hallucinés, avec cauchemars à la clef.
Pour faire bonne mesure, et dérouter encore plus son lecteur, l’auteur écrit à la fois au présent et au passé. Au présent, il raconte sa vie dans une villa au Chili, chez un « éminent chercheur de ses amis » ; et au passé, il revit l’incroyable périple dans le désert, au milieu de personnages incroyables, de trayeurs de chiennes, de mangeurs de crevettes, de femmes nues très nues, de demi-dieux cruels, et de déesses amazones….
Il s’en suit des descriptions magnifiques et colorées, où l’on retrouve, ici, Rabelais, ailleurs, Lautréamont, plus loin, Jules Verne. Blas de Roblès aime tellement raconter des histoires, surtout les plus phantasmagoriques, que son imagination s’emballe vers des cieux inattendus, éclairés comme ceux de Van Gogh de bizarres lumières intérieures.
une formidable satire de notre société
Mais ce n’est pas tout du tout. En réalité, ce voyage peuplé d’ensorcellements dans le paradis/enfer du Sahara, n’est rien qu’une fable, dont l’ironie secrète est une formidable satire de notre société à nous, la vraie, celle dont on ne rêve pas. L’écrivain s’en échappe avec brio pour retrouver un monde où les hommes deviennent poissons, où l’on fait l’amour avec impudeur tout en parlant d’Aristote, où des chasseurs tatoués chassent le tatou…
Bref, plus déjanté, tu meurs. Et c’est ce qui fait le charme irrésistible de ce bouquin, parce que rien n’y est sérieux, et surtout pas les illustrations qui décorent les pages, et rajoutent à l’ensemble une pointe de drôlerie, non dénuée de surréalisme.
Didier Ters
Jean-Marie Blas de Roblès, Ce qu’ici-bas nous sommes, Zulma, 280 pages, 20 euros, sortie septembre 2020.