Colette en guerre, la grande observatrice

De Pétain à Colette

Notre époque tellement moderne a laissé tomber dans l’ombre Colette, écrivain français qui remporta dans la première moitié du XXe siècle un très grand succès. Bénédicte Vergez-Chaignon, historienne très réputée à qui on doit des biographies magistrales de Pétain (Perrin, 2014) et Jean Moulin (Flammarion, 2019), a décidé de s’intéresser à elle et à son parcours durant les années noires. Et on découvre alors une femme passionnante.

Une française « confinée et occupée à la fois »

Lorsque la guerre commence, Colette est une gloire nationale. Elle a une rubrique dans le journal Paris-soir où sur un ton proche de la causerie, elle s’adresse à ses lectrices en leur donnant quelques bons conseils. Mais voilà, la guerre frappe et en juin 1940, la voilà obligée de quitter Paris avec son mari Maurice Gourdeket. C’est l’exode. Elle revient cependant vite dans la capitale, désormais occupée. Patriote, Colette n’a pas l’intention de collaborer en quoique ce soit avec les nazis. Mais il lui faut vivre et la voilà bientôt en train de publier dans Le Petit Parisien. Elle se doit de faire attention car son mari est juif… Alors elle reste chez elle, sort peu, accepte peu d’invitations, ce qui ne l’empêche pas d’écrire à beaucoup lorsque son mari est arrêté par les Allemands en décembre 1941. Elle le retrouve en février 1942, sans savoir au juste qui est intervenu pour le faire libérer (Guitry ? Abetz ? L’épouse d’Abetz ? Brasillach ?).

Vivre et survivre

On la découvre soucieuse de ses proches, donnant de l’argent pour des réseaux d’entraide pour les juifs. Préoccupée aussi par le ravitaillement, la grande angoisse des Français durant la guerre. On la voit aussi attendre le débarquement allié, s’enflammer pour les premières victoires américaines et la libération de Paris, enfin, arrive. C’est donc l’histoire d’une femme très occupée qui, pour se distraire, écrit un de ses meilleurs romans, Gigi, quand son mari se cache près de Saint-Tropez. Ce Colette en guerre se révèle passionnant. Et, comme le pensait Aragon, Colette, rappelez-vous, est un grand écrivain.

Sylvain Bonnet

Bénédicte Vergez-Chaignon, Colette en guerre, Flammarion « au fil de l’histoire », octobre 2022, 334 pages, 21,90 euros

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