Franco, légende et mémoire

Un spécialiste de la guerre d’Espagne

Professeur à l’université de Paris-Est Créteil, Stéphane Michonneau est un spécialiste de l’histoire de l’Espagne au XXe siècle. On lui doit notamment Belchite, ruines-fantômes de la guerre d’Espagne (CNRS, 2020). Il vient de publier un ouvrage sur Franco qui n’est pas une biographie (je renvoie d’ailleurs à celle de Bartolomé Bennassar) mais plutôt un essai sur la construction de sa légende.

Derrière les masques

En lisant ce livre de Stéphane Michonneau, on se rend compte que Franco excella à se construire des masques. Au moment du coup d’état de 1936, ses coreligionnaires militaires le surnomment « Miss Canarias » tant il se fit prier pour y participer. Pendant la guerre on l’appelle le « Caudillo », un surnom qui ne le quittera plus et dans les années soixante il devient « El Abuelo » (le grand-père). Politiquement, l’homme est très plastique. Conservateur à l’origine, on le prend pour un monarchiste alors qu’il refusera de restaurer Alphonse XIII avant d’accepter de faire de son petit-fils Juan Carlos son successeur. Son flirt avec le fascisme fut beaucoup plus poussé qu’on ne l’a cru mais il eut l’intelligence de garder son pays épuisé à l’écart de la guerre… tout en envoyant la division Azul sur le front de l’est. Plus tard, on fit de lui le bienfaiteur de l’Espagne, ancré à l’ouest et liée au marché commun. Grâce à lui la croissance économique… qui ne fut qu’un rattrapage du retard accumulé à cause de la guerre civile et de l’autarcie.

Mémoires de Franco

Le culte officiel de Franco suscita l’érection de statues, on nomma des rues en son honneur, on lui édifia des monuments. Après 1975 et la démocratisation du pays, l’espace public resta saturé par la mémoire du dictateur. Peu à peu, le pays essaya de se « défranco-iser », de réhabiliter les victimes de la guerre civile et de la répression menée par le régime franquiste. Reste que même aujourd’hui, alors que sa dépouille a été retirée de son mausolée, l’homme demeure une ombre omniprésente en Espagne et s’invite très fréquemment dans le débat politique. Ce livre aide à comprendre pourquoi.

Sylvain Bonnet

Stéphane Michonneau, Franco, Flammarion, septembre 2025, 380 pages, 24,90 euros

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