« Colonies », la conquête spatiale n’est plus ce qu’elle était

Un auteur protéiforme

Pilier de la défunte collection Anticipation du Fleuve noir où il a fait ses premières armes, auteur d’Omale, un des plus grands space opera français des trente dernières années (avec peut-être Les Guerriers du silence de Bordage), Laurent Genefort est une des grandes signatures du genre, sortant régulièrement entre un et deux livres par an. Colonies est un recueil de dix nouvelles tournant autour du concept de « colonie », que l’auteur va décliner sous différents angles.

Un recueil très varié

On commence avec Le lot n°97 où un collectionneur décide de s’hybrider avec un organisme extraterrestre, créant ainsi une vague d’imitations dans l’art contemporain. Plus intéressante, Le Dernier Salinkar raconte comment les hommes en viennent à exterminer un animal qui leur paraît d’aucune utilité même si un des colons cherche à les défendre :

— C’est vraiment le dernier ?
— Une variété plus petite existait sur le deuxième continent, mais elle a été exterminée. Là-bas aussi, on n’a jamais trouvé son utilité dans l’écosystème de Patchwork. Il aide à la dispersion du pollen, d’accord, mais ce n’est pas un moyen des plus efficaces. Tu es peut-être celui qui le connait le mieux. Tu pourrais répondre à cette question ?
— Non. »

Chaque nouvelle explore donc un aspect de la colonisation humaine. La Fin de l’hiver raconte l’histoire d’une colonie qui s’est retrouvée isolée sur une planète de plus en plus gelée et comment par accident des descendants de ces colons vont remettre en marche un dispositif planétaire qui va réchauffer la planète. Bien. Proche-Horizon est une histoire d’espionnage où une représentante d’une multimondiale (l’équivalent de nos multinationales dans l’univers de Genefort) veut voler un symbiote (un gros insecte) à une colonie qui vit ma foi fort bien avec dans des buts de recherche médicale.

On se doit ici de remarquer que la vision de Laurent Genefort de la colonisation spatiale ne brille pas par son optimisme. Elle est là, c’est un fait mais la nature humaine ne change pas : l’humanité est capable du meilleur et du pire (le plus souvent).

Une réussite finale

L’ensemble est plaisant mais est un peu scolaire. Dans sa postface, Genefort avoue avoir longtemps été mal à l’aise avec la forme courte et on comprend pourquoi. Ces nouvelles auraient fort bien pu donner lieu à des romans, à quelque chose de plus développé en tout cas. Cependant la dernière histoire dément (il faut toujours des exceptions) : L’Homme qui n’existait plus est une novella qui reprend de façon plus condensée un roman des années 90. Et là le charme opère, l’histoire est incisive, vrai huis clos sur une base spatiale qui finit par faire frissonner.

Une preuve supplémentaire du talent de Laurent Genefort, auteur prolifique (trop ?) et majeur du genre.

Sylvain Bonnet

Laurent Genefort, Colonies, couverture de Manchu, postface de l’auteur, Le bélial, mars 2019, 320 pages, 19 eur

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