Comme un qui s’est perdu dans la forêt profonde, un poète à découvrir

Un poète perdu du XVIe siècle

Voici le recueil d’un poète peu connu du public, Etienne Jodelle, contemporain de Ronsard, apprécié de ses pairs et membre de la Pléiade. On lui doit d’avoir initié le théâtre en alexandrins selon la critique, avec Cléopâtre captive et L’Eugène. On sait qu’il fut un courtisan, on peut lire ses poèmes à la gloire d’Henri II ou de Charles IX. Mais ici il s’agit de poésie et de sonnets, genre un peu tombé en désuétude. Mais sans poésie, la vie est-elle encore la vie ? Saluons d’abord la préface astucieuse et érudite de Florence Delay, auteure d’un ouvrage sur la vie de Jodelle, L’insuccès de la fête, qui donne envie de le lire. et maintenant, partons à la découverte des mots de Jodelle.

Amour et contr’amour

Jodelle a écrit des sonnets, peu furent publiés. Ils ont été rassemblés après sa mort dans un recueil posthume. Et cela en valait la peine:

« Pourrais-je voir l’heureuse et fatale journée,

Où deux âmes, deux cœurs, et deux corps enlacés,

Dans le beau ret d’amour se verront caressés »

Il faut donc le lire, ce Jodelle, en s’adaptant à un vocabulaire, à une syntaxe un peu différente de notre français contemporain (et l’orthographe a été modernisé, je vous rassure). Quel est son sujet ? L’amour. L’amour courtois, l’amour tout court, le sexe aussi. Jodelle écrit ses (rares) sonnets en pensant à ces dames. C’est joliment tourné, avec des phrases qui claquent comme ci-dessus.

Du corps

On est aussi amusé par des passages plus crus mais jamais vulgaires :

« Ah ! je le savais bien qu’elle a la fesse molle,

La paillarde qu’elle est, et que mon vit batteur

A son Con effondré ne ferait point peur ! »

Ou encore :

« Avoir dedans le Con l’insatiable faim

Du foutre naturel, et lui étant ôtées

De ses paillards recrus les Couilles effoutées »

À force on pourrait se croire chez Gainsbourg. Mais notre Jodelle, dépourvu d’oreilles de chou, est mort à quarante-et-un ans seul et dans la misère. Alors lisez-le pour le faire revivre.

« Je me trouve et me perds, je m’assure et m’effroie ».

Sylvain Bonnet

Etienne Jodelle, Comme un qui s’est perdu dans la forêt profonde, édition d’Agnès Rees, préface de Florence Delay, Gallimard « poésie », janvier 2023, 240 pages, 10,10 euros

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