Le duc de Choiseul, le ministre mirobolant

Archiviste paléographe, David Feutry est pour l’instant peu connu du public et c’est normal : cette biographie, Le Duc de Choiseul, qui vient après celle de Monique Cottret, est sa première publication. Que nous apprend donc ce nouveau livre sur celui qui fut le principal ministre de Louis XV pendant la décennie 1760 et aussi le modèle du comte Almaviva dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais ?

Lorrain et soldat

La biographie de David Feutry peint le portrait d’un homme issu d’une famille possessionné en Lorraine, duché longtemps indépendant du royaume de France. Le propre père de Choiseul a d’ailleurs suivi son duc, François de Lorraine, à Vienne lorsque ce dernier est devenu l’époux de l’archiduchesse Marie-Thérèse, héritière des Habsbourg, troquant ainsi son duché, promis à la France, contre le titre d’Empereur. Le futur duc de Choiseul choisit le service du roi de France et devient militaire : il se bat ainsi pendant la guerre de succession d’Autriche. La paix le laisse sans emploi… pour peu de temps car il se reconvertit dans la diplomatie, dans le sillage du cardinal de Bernis. Peu apprécié de Louis XV, Choiseul est riche (il a épousé une fille du financier Antoine Crozat), aimé des femmes et volontiers libertin. Le futur duc de Lauzun est ainsi son fils adultérin. Surtout, il gagne peu à peu l’amitié de la marquise de Pompadour, un avantage décisif.

Un ambitieux astucieux

La France commence la guerre de sept ans par des victoires. Mais cela ne dure pas. Choiseul est un de ceux qui estiment que le choix de l’alliance autrichienne disperse les forces françaises au moment où l’Angleterre porte des coups décisifs en Inde ou au Canada. Il évince Bernis devenu très pessimiste, tente d’éviter le désastre au moment du traité de Paris de 1763. Choiseul sauve ce qu’on appelle les îles à sucre mais perd le Canada et la Louisiane. Il réforme alors l’armée (le choix du futur canon Gribeauval, c’est lui) et la marine, fait annexer la Corse pour récupérer pied en Méditerranée. Ayant joué sur le patriotisme de l’opinion pendant la guerre de sept ans, il prépare la revanche, persuadé comme Louis XV que les colonies américaines vont entrer peu à peu en conflit avec Londres.

On l’a longtemps perçu comme l’ami des Parlements, qui sapent l’autorité du Roi. C’est faux mais il n’a pas l’ambition d’un Maupéou de procéder à leur éviction. Pour David Feutry, Choiseul, trop brillant et parfois insolent, a perdu le pouvoir pour avoir négligé l’importance des rancœurs qu’il a suscité ; pour avoir également sous-estimé un roi qu’il méprise. Enfin pour avoir négligé la nouvelle maîtresse royale, Jeanne du Barry (je renvoie à la récente biographie d’Emmanuel de Waresquiel). Longtemps, il croira pouvoir revenir au pouvoir mais le nouveau roi, Louis XVI, le déteste. Alors il se consolera à Chanteloup où on se presse pour admirer le grand homme, dont le jeune Talleyrand.

Au final, David Feutry a signé avec Le Duc de Choiseul une excellente biographie.

Sylvain Bonnet

David Feutry, Le Duc de Choiseul, Perrin, septembre 2023, 384 pages, 24 euros

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