La famille Martin de David Foenkinos

Comment écrit-on un roman ? Eh bien, voilà, je vais vous expliquer, nous dit David Foenkinos, dans son dernier livre : La Famille Martin. Et de nous raconter l’histoire d’un romancier qui ne sait plus quoi écrire, ni quelle aventure imaginer, alors il descend dans la rue, y trouve un vieille dame inconnue,  qui fait son marché, et l’aborde en lui disant « J’aimerais écrire un livre sur vous ». Elle lui dit d’accord, et notre romancier de passer ses jours à écouter Madeleine, ses enfants, Valérie et Patrick, puis ses petits- enfants, détailler leurs amours, leurs problèmes, leurs rêves et leurs déceptions. Autrement dit, cette « famille Martin », qui pourrait être une famille Dupont, Durand ou Duval, campe la famille française de 2021. Et voilà comment on écrit un livre. 

On dira que Foenkinos ne s’est pas foulé. S’il suffit d’entendre une grand-mère pleurer sur ses amours d’antan pour faire paraître un roman chez Gallimard, la littérature va vite faire des adeptes. D’autant que Foenkinos se laisse un peu aller, avec un abus de phrases interrogatives, qui allonge bien inutilement son propos. Par exemple : « Qu’est-ce qui m’empêchait d’écrire sur Valérie, tout en échangeant sur nos vies ? » Ou bien : « En me précipitant vers les autres, je n’étais pas à l’abri de me rencontrer. Mais en avais-je l’envie ? » On retient son souffle…

Fort heureusement, l’intérêt du bouquin est ailleurs.

Après Charlotte et Le Mystère Henri Pick, David Foenkinos a, semble-t-il, voulu quitter la vie de « personnages », pour coller à celle de plus modestes personnes, et aller au plus près d’un quotidien bien moins romanesque : une grand-mère confinée dans son veuvage, sa fille qui rêve d’un autre mari, son gendre qui déprime à cause de son boulot, etc. Mais il faut concéder qu’il s’en sort plutôt bien, et malgré quelques platitudes de style, le fond remonte à la surface. On se prend avec plaisir à voyager jusqu’en Californie avec Madeleine, à admirer Patrick capable de mettre le feu au bureau de son chef, et à trouver que Valérie a bien raison d’aimer cet homme-là. 

Chemin faisant, Foenkinos dessine un portrait de la France d’aujourd’hui, et laisse entrevoir, non sans malice, que c’est finalement le narrateur qui est le personnage principal du roman, lui qui ouvre et qui ferme, dans un certain désarroi, l’histoire bien banale des Martin. C’est que son histoire à lui est bien plus compliquée. Et que le créateur  reste le vrai sujet de son objet. Telle serait la morale du livre. Mais il est peut-être excessif d’en chercher une. On peut aussi de contenter de l’originalité de ce récit que Foenkinos tricote avec aisance. Et qui se lit avec agrément. C’est déjà beaucoup. 

Didier Ters

David Foenkinos, La Famille Martin, Gallimard, octobre 2020, 220 pages, 19,50 eur

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