Petite histoire de la littérature française, un inédit de Michel Butor

Michel Butor, un peu oublié de nos jour, est un écrivain classé dans la catégorie du Nouveau roman. Parmi ses très nombreux ouvrages, nous retiendrons La Modification, prix Renaudot 1957. Il s’agit d’un récit à l’architecture singulière dont le thème est celui d’un glissement de conscience du héros, provoqué par un environnement changeant, durant le trajet en train qui le conduit à Rome. Une modification des éléments extérieurs entraînant la transformation du héros, voire même du lecteur, embrigadé malgré lui dans cette aventure par l’utilisation de la deuxième personne. A l’époque, c’était nouveau et depuis, la plume de Butor, avide d’expériences stylistiques nouvelles, n’a cessé d’étonner. 

un érudit exaltant

Mais pour jouer des codes littéraires, il faut d’abord en posséder les tenants et les aboutissants… et c’est bien son érudition que l’auteur nous révèle à travers cette merveilleuse introduction à l’histoire de la littérature française, subjective mais passionnante.

L’ouvrage est un échange entre Michel Butor et Lucien Giraudo, professeur, autour de l’histoire littéraire française. Le lecteur y trouve à nouveau une place de choix, celle de pouvoir accéder, en quelques pages, à la culture de l’écrivain tissée au fil de ses années d’enseignement à l’université de Genève. Le postulat est simple et complexe à la fois : dresser un panorama rapide de la littérature depuis le Moyen-âge jusqu’au XXe siècle. Butor le maître d’œuvre, coud, fronce, ourle la littérature à la lueur de sa grande culture, très loin des découpages séculaires auxquels les manuels d’histoire nous ont habitué.

la bibliothèque intérieure

LG : La littérature se moque pas mal de ce cloisonnement siècle par siècle. MB : Oui, elle s’en moque complètement ! Et ce d’autant plus que la notion de siècle n’a rien de naturel : elle vient de notre système de numération décimal.(…) Le fait que ce soit institutionnalisé a un résultat très gênant qui est que les écrivains qui ont vécu au milieu d’un siècle sont privilégiés par rapport à ceux qui sont à cheval sur deux. Ces derniers embarrassent les professeurs, les éditeurs et les ministres de l’Éducation nationale. 

De lien en lien, entre grande et petite histoire parlant du Racine défroqué, des salons du XVIIIe et de la naissance des manifestes artistiques du XXe en lien avec l’évolution de l’art pictural, il enrichit notre culture scolaire, convoquant de nombreuses anecdotes et tressant de voix multiples, la toile de nos mémoires qui retrouve, comme par magie, son unité oubliée.

Cette Petite histoire de la littérature française est un ouvrage qui se lit comme on se laisse raconter des histoires, sur le ton amical de l’échange entre la poire et le fromage, sans prétention aucune, et surtout accessible à tous. Un choix judicieux de textes y est proposé pour chaque chapitre abordé, de Villon à Breton, en passant par Fontenelle ou Claudel : un parcours vagabond extrait de la bibliothèque collective, propice à enrichir largement sa propre bibliothèque intérieure, comme le disait Pierre Bayard. 

Nathalie Hanin

Michel Butor, Petite histoire de la littérature française, Gallimard, « folio », mai 2023, 324 pages, 9,20 euros

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