Tirez sur le pianiste, un classique toujours vivant

David Goodis fait partie de la deuxième génération des maîtres du roman noir qui se sont illustrés dans le genre après Dashiell Hammett et Raymond Chandler. Célébré par Hollywood et par François Truffaut, Goodis est aujourd’hui un peu tombé dans l’oubli malgré une excellente biographie de Philippe Garnier publié pour la première fois en 1984. Cette réédition de Tirez sur le pianiste est en tout cas une bonne nouvelle.

Un homme qui fuit son passé, sans succès

« Il n’y avait pas de réverbères, aucune lumière. C’était une rue étroite du quartier de Port Richmond, à Philadelphie. Depuis le Delaware tout proche soufflait un vent froid et cinglant qui poussait les chats de gouttière à chercher refuge dans des caves chauffées. Les rafales de la fin novembre faisaient vibrer les carreaux des fenêtres, sombres à cette heure tardive de la nuit, et piquaient les yeux de l’homme qui venait de tomber dans la rue. »

Un homme dans un quartier de Philadelphie fuit deux gars qui le poursuivent. Il s’appelle Turley. Il entre dans un bar où joue un pianiste. Ce pianiste, il ne peut pas le louper : il s’agit de son frère Eddie, pianiste classique renommé qui a disparu depuis la mort de sa femme. Eddie le reconnaît, maugrée mais l’aide à échapper à ses poursuivants. Le passé rattrape Eddie qui se cache un peu de la vie. Eddie qui s’est amouraché de la serveuse, Lena. Un soir qu’il la raccompagne, les deux poursuivants de son frère, Feather et Morris, tentent de les kidnapper. Eddie réussit à leur fausser compagnie mais sait que ce n’est qu’un début.

Un roman noir d’époque

Relire Tirez sur le pianiste est un exercice délicat. Car l’amateur comme moi garde en mémoire sa première lecture du livre ET le film de Truffaut. Impossible en effet de ne pas imaginer Eddie autrement qu’avec les traits d’Aznavour ! situé en partie à Philadelphie, ville de Goodis, le roman est hanté par le passé d’Eddie, musique et famille compris sans compter une femme (cherchez la femme comme on dit). C’est aussi l’histoire d’un marginal, Eddie ayant choisi d’être de côté. Et ces gens qui sont à côté sont très attachants dans le roman noir. Ils sont sa vérité. Goodis excelle ici, Manchette l’avait dit avant bien mieux que moi. Lisez ce roman s’il vous plaît, avant que les bombes tombent.

Sylvain Bonnet

David Goodis, Tirez sur le pianiste,traduit de l’anglais par Romain Guillou, préface de Benoît Tadié, Gallimard « Série noire », 256 pages, novembre 2024, 14 euros

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