Vers la flamme, dans la forêt primordiale avec David Hennebelle

Le voyage est une donnée permanente des romans de David Hennebelle. Qu’il s’agisse d’une évasion vers soi-même dans la vie de Jacques Brel (Mourir n’est pas de mise) ou un voyage intérieur dans l’absolu du sacrifie sacerdotale des moines de Tibhirine (Je marcherai d’un cœur parfait). Celui qu’il nous propose avec Vers la flamme est un enfoncement dans la foret amazonienne aussi bien qu’au plus profond du coeur de Paliki, photographe, qui va quitter le regard vers les autres pour regarder en soi.

Une expédition

à mille mille de toute terre habitée

Saint-Exupéry, Le Petit prince

Rejoindre le coeur de la forêt amazonienne n’est pas une mince affaire. Paliki, jeune artiste photographe, se joint à une expédition sensée rejoindre une ethnie semi-nomade, les Yanomami. Ce peuple fier et guerrier, vivant en symbiose avec la nature, va être pour la jeune femme plus qu’une découverte : une révélation.

Mais avant, il faudra parcourir des chemins impossibles, des lacis inextricables, au-delà des frontières, au-delà de la mystique cité d’Eldorado qui fit rêver les conquistadors. Rencontrer le peuple des forêts, le peuple presque primordial qui fera comprendre ce qu’il y a au fond de chacun comme part de vérité. Et qu’importe les mesquineries ou les roueries de ses compagnons de voyage, le mépris affiché par certain pour cette civilisation primordiale…

Paliki va se transformer, se purifier, et enfin atteindre à son tour le cœur de la forêt, en âme autant qu’en s’y installant pour vivre à la manière ancestrale, pour faire corps avec cet endroit où elle est enfin devenue elle-même.

Photographier, c’est voler l’âme

Tous les peuples primordiaux ont fait cette expérience, quand ils ont rencontré leur premier photographe occidental. L’appareil photo imprime sur papier leur âme même, et la leur vole.

Prendre l’image des hommes signifiait aussi retenir celle des esprits, les empêchant de cheminer librement pour venir à leur rencontre. En ces photographies, les Yanomami craignaient de voir l’âme des morts à tout jamais emprisonnée.

Mais le vrai vol, ce sera celui de la forêt même. La modernité et la cupidité, qui vont détruire un héritage essentiel pour l’humanité. Quelque chose de bon pourra-t-il sortir de cette dévastation ?

Vers la flamme est un roman intense et merveilleusement écrit. Sans fioritures, le texte avance et impose son rythme. Il pose comme primordial le respect de l’autre et montre comment la modernité a détruit l’essentiel d’une humanité jusqu’alors préservée. Ce qui bat au cœur des forêts, ce n’est pas la route moderne qui la traverse et la défigure, mais l’âme qui nourrit ceux qui en comprennent l’âme. S’il est très différent de ses précédents, il garde ces fondamentaux et le lecteur sait qu’une œuvre se construit.

Loïc Di Stefano

David Hennebelle, Vers la flamme, aléa, « 1er mille », janvier 2023, 144 pages, 19 euros

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