Dictionnaire amoureux de Jésus
Jean-Christian Petitfils est historien réputé, auteur de nombreuses biographies (principalement des rois de France) et d’essais. Après avoir rencontré un très grand succès avec sa biographie de Jésus (Fayard, 2011), il donne à nouveau un ouvrage christique à la belle collection « dictionnaire amoureux » chez Perrin. Ce n’est plus un livre d’histoire à proprement parlé, mais un livre où la foi de l’homme se mêle à la science de l’historien.
un historien amoureux de Jésus ?
La notion d’amour est fondatrice de la foi chrétienne. Toutefois, affirmer son amour de Jésus de Nazareth, l’homme tel qu’il fut et tel que les Evangiles le désignent à la mémoire du monde, et le fils de Dieu, est une gageure. D’autant plus que l’amoureux est historien, rompu à l’examen des faits et à leur expertise, mais aussi un chrétien. La foi et les faits. La vérité de l’âme et la vérité historique. Non pas opposées, mais confondues en un même mouvement par l’intelligence de l’historien-croyant.
Petitfils ajoute à la force de sa foi la précision de son analyse d’historien. Car l’histoire est bien au centre de toutes les entrées de ce dictionnaire.
Pour le chrétien que je suis, Jésus est une personne vivante, le Dieu fait chair venu apporter le salut au monde. Croire, c’est être relié, au cœur même de son être, à une mystérieuse source d’eau vive »
Sa subjectivité sert aussi on propos, et il ne perds pas une occasion pour non pas se mettre en scène mais détailler ce qui, dans tel ou tel thème, le touche particulièrement. C’est son intimité d’homme au regard d’un si vaste sujet qui est exposé, et vraiment d’une très belle et intelligente manière.
Comment historiciser Jésus ?
La question de l’historicité de Jésus s’est souvent posée, surtout pour les détracteurs de la religion. Jean-Christian Petitfils n’élude pas la question, lui réservant même une entrée (historicité de Jésus) dans laquelle il démonte point par point les arguments en faveur d’un Jésus réduit à la légende. L’homme
De ‘Abba’ (« ce nom affectueux donné par Jésus à son Père des cieux ») à Zachée (disciple de Jésus), en passant par Marie la Madgaléenne (« l’une des plus grandes saintes, dont on a fait un modèle de piété et contemplation »), l’Etoile de Bethléem (« ce mystérieux objet céleste qui fait illuminé le ciel »), le Linceul de Turin (« cette extraordinaire relique »), ou encore Gethsémani (le Jardin des Oliviers), l’inventaire forcément incomplet mais riche de tout ce qui fait la beauté de la foi d’un historien. Il étude chaque thème par une lecture précise des Evangiles, qu’il confronte aux dernières avancées de la recherche et à sa propre conviction personnelle : son amour et sa foi.
Passionnant de bout en bout, il prend un fait biblique et le replace toujours à la fois dans l’histoire, la culture populaire, et les Evangiles. Par exemple, de Barabas, il commence par rappeler qu’il est « un sujet en or pour un péplum des années 60 » avant de rappeler à quelle occasion il apparaît (le procès de Jésus) et comment il est ensuite récupérer. Petitfils en profite pour rappeler des points précis du droit romain et leur application précise dans la circonstance « Barrabas », ainsi que la disparition progressive de son prénom dans les récits, car Barabbas est également un Jésus, et Ponce Pilate se fit fort de choisir entre les deux, mais, subtilité linguistique non dénuée de sens :
Pilate aurait offert à la foule le choix entre Jésus qui se prétendait le Fils du Père et Jésus Barabbas (étymologiquement, le fils du Père) ! / Pour éviter la confusion, les manuscrits ultérieurs ont supprimé le prénom du brigand. »
Écrit avec beaucoup de style et une érudition incroyable, le Dictionnaire amoureux de Jésus est un voyage admirable. Et malgré la modernité de ses références (ce qui lui est reproché par une frange radicale de l’église, mais les travaux modernes ne sont-ils pas sensé subsumer les anciens ?), son attachement à la tradition d’un humanisme chrétien éclairé. Quand la foi et la culture se mêle pour rendre le meilleur de l’émotion, celle qui naît de l’amour de Jésus, alors on touche à l’essentiel, et le Dictionnaire amoureux de Jésus de Jean-Christian Petitfils est de ces livres-là.
Loïc Di Stefano
Jean-Christian Petitfils, Dictionnaire amoureux de Jésus, Perrin, « tempus », novembre 2017, 624 pages, 11 euros