Qui gagne perd, Westlake le grand

Un grand auteur réédité  

Décédé en 2008, Donald Westlake fut un des plus grands auteurs de polars de sa génération. Sous son vrai nom, on lui doit des romans comme Un jumeau singulier ou Le couperet, à la fois satiriques et très noirs sans compter la série de romans consacré à son personnage fétiche, le cambrioleur malchanceux John Dortmunder. Sous son pseudonyme de Richard Stark, il a créé un autre personnage de cambrioleur, Parker, qui a inspiré John Boorman pour Le Point de non-retour avec le grand Lee Marvin. Voici une nouvelle traduction (intégrale car il y avait eu des coupures) de Crédit est mort, paru à la série noire en 1970 et célébré par Manchette, réédité par les éditions Rivages.  

Le joueur malchanceux  

Je parie que rien de tout cela ne serait arrivé si je n’avais pas été aussi éloquent. Ça a été toujours mon problème, l’éloquence, même si certains pourraient affirmer que mon problème se situe ailleurs. Mais la vie est un jeu de hasard, voilà ce que je leur réponds, et toutes les personnes éloquentes sur cette terre ne siègent pas au Congrès.

Chet Conway est un chauffeur de taxi sans histoire. Un jour, un client lui refile, en guise de pourboire, un tuyau sur une course de chevaux. Chet appelle Tommy son bookmaker, mise et gagne neuf cent dollars. Mais lorsqu’il débarque chez Tommy, il le découvre mort. Chet prévient alors les flics, ceux-ci débarquent, l’interrogent et le laissent repartir, dépité de ne pas avoir pu récupérer son argent. Mais ce n’est que le début des ennuis : le gang dont dépendait Tommy le croit coupable, le gang rival aussi et la sœur de Tommy, Abbie, débarque de Vegas pour le tuer. Tommy n’est pas au bout de ses peines…  

L’humour et le roman noir  

Qui gagne perd est une preuve supplémentaire du talent de Westlake. D’abord il nous fait rire, grâce à un sens aigu de la narration, des scènes à la fois absurdes et hilarantes servies par des dialogues savoureux (Tarantino peut aller se rhabiller). Mais il y a plus. Derrière cette apparente jovialité, on découvre des gangsters bas de plafonds, violents, une police corrompue, des new-yorkais abrutis par la vie quotidienne : Bref, une société corrompue comme dans tout bon roman noir où l’argent mène le monde. Le héros est un monsieur tout-le-monde qui aurait dû être broyée par tout ça. Or, il se révèle plus malin que prévu et réussit à garder son sang-froid (et est à deux doigts d’emballer la belle Abbie).

Merci monsieur Westlake : près de cinquante ans après, Qui gagne perd est toujours un aussi bon moment de lecture. Très bon roman noir.  

Sylvain Bonnet  

Donald Westlake, Qui gagne perd, traduit de l’anglais par Jean Esch, Rivages, mai 2021, 286 pages, 21 eur

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