Ecrits spirituels du Moyen Âge

Lumières du Moyen Âge

Longtemps, l’histoire a placé la Renaissance lumineuse comme l’échappatoire d’un long obscurantisme. Les mœurs aussi bien que l’esprit, les techniques aussi bien que les loisirs, tout était recouvert d’abject, de crasse, d’ignorance. Qui a étudié l’histoire un peu sérieusement connait les beautés du Moyen Âge. Ses richesses, son inventivité, et la hauteur de sa spiritualité. Quelle époque comparée à la nôtre, où l’illettrisme côtoie le pire pied-de-lettrisme. Louons le travail de Cédric Giraud, éminent latiniste, qui a réuni dans Ecrits spirituels du Moyen Âge des textes majeurs d’Anselme de Cantorbéry, Thomas a Kempis ou Thomas d’Aquin.

[…] en propageant par l’écrit différents exercices tels que la lecture, la méditation, la prière et la contemplation, les auteurs du XIIe au XVe siècle ont inventé la spiritualité comme un art complet de l’intériorité, soit une manière de reconnaître la présence d’une transcendée dans l’intimité humaine et d’y cultiver l’introspection par la lecture. »

Ainsi la foi chrétienne est au cœur d’une réflexion intellectuelle sur le monde et sur l’homme. Dépassant le strict cadre de l’obédience sacerdotale, ces penseurs font entrer la manière de vivre sa chrétienté régulière dans une relation privilégiant un lien direct entre Dieu et soi.

une histoire de la spiritualité

Il y a beaucoup d’hommes qui désirent le céleste royaume de Jésus, mais peu veulent porter sa croix. »

Thomas a Kempis, « Imitation du Christ, II, xi

Le recueil est divisé en quatre grandes thématiques historiques :

  • Les classiques de la spiritualité (XIe – XIIIe siècle). Où l’on sent bien que les esprits sont encore collés au Texte Sacré et sont emblématiques d’une pensée classique ;
  • L’école du cloître (XIIe siècle). Elle rompt avec la tradition et impose une pensée du renouveau au centre de laquelle l’amour est la force centrale. C’est l’apogée de la pensée cistercienne ;
  • Une spiritualité pour tous (XIIIe – XVe siècle). La spiritualité prend son autonomie au regard de la pure théologie. Mais le désir n’est rien moins que de transmettre au plus grand nombre les mystères de la vie intérieure ;
  • L’âge de la « devotio moderna » (XVe siècle). Un temps crucial dans l’histoire de la pensée chrétienne où l’on fuit l’abstraction pour atteindre à une réalisation spirituelle dans la vie pratique. C’est une révolution : rendre accessible l’intériorité et la pensée.

Ecrits spirituels du Moyen Âge est un bel exemple de ce que la culture et la foi peuvent produire comme matériau supérieur de pensée. Comment des esprits libres et supérieurs peuvent s’inscrire dans une histoire culturelle, et la subsumer.

Les textes réunis dans Ecrits spirituels du Moyen Âgesont très accessibles aux lecteurs contemporains, même peu initiés à l’histoire biblique. Ils montrent comment une époque dite sombre a pu engendrer une telle puissance de l’introspection. C’est la grande hypothèse de ce recueil, que la haut Moyen Âge est le pendant occidental des grands courants méditatifs orientaux.

Loïc Di Stefano

Ecrits spirituels du Moyen Âge, édition et traduction du latin par Cédric Giraud, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1264 pages, octobre 2019, prix de lancement jusqu’au 31/03/2020 58 eur, puis 63 eur

Lire l’introduction et les premières pages

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