La pierre jaune, l’après accident nucléaire selon Geoffrey Le Guilcher

Après le glaçant Steak machine, journal d’une infiltration dans un abattoir, Geoffrey Le Guilcher s’infiltre dans votre futur. Et avec un art du récit documenté, il nous pose cette question simple : que se passerait-il s’il fallait évacuer toute une partie de l’Europe après un accident nucléaire majeur ? C’est l’hypothèse La Pierre jaune, en 2024, c’est-à-dire demain.

L’art de l’anticipation

Parmi les nombreux genres qui font la richesse de la SF, l’anticipation a sa logique propre. Extraire du réel son potentiel le plus juste pour construire un avenir probable, souvent noir, pour alerter. Geoffrey Le Guilcher utilise sa lucidité et un vrai travail documentaire pour mettre en place tout un possible. Cela inclut les mensonges sur la propagation du risque nucléaire (souvenez-vous du nuage de Tchernobyl qui a respecté la frontière française…), les roueries journalistiques…

C’est d’ailleurs grâce à l’anticipation que Jack Banks, le personnage principal, mène son enquête. Il travaille pour la National Public Order Inteligence Unit, où l’on prédit les crimes à venir. Un peu à la manière de ce qu’avait imaginé Philip K. Dick dans sa nouvelle Minority Report (1956), cette unité de police anticipe les méfaits de groupuscules en les infiltrant. C’est ce qu’il fait avec les Jauniens, activistes (éco-terroristes ?) qui vivent reclus sur la presqu’île de Rhuys. Mais qui sont-ils ?

Accident nucléaire majeur

Une usine nucléaire de La Hague explose, percutée par plusieurs avions. La communauté libertaire bretonne est-elle liée à cet attentat ? En tout cas, les survivalistes bretons tiennent bon sur leur île et refusent de la quitter. Ils s’organisent pour survivre à l’après. Leur utopie va cependant se confronter au réel. Et à la pression de plus en plus forte de la menace que représentent à la fois la propagation des retombées radioactives et les ordres d’évacuation. Car si l’enquête est menée comme il convient, le plus important est la manière de survivre dans un univers de plus en plus apocalyptique.

Les nouvelles contraintes matérielles n’empêche pas aux politiques de poursuivre leur exercice de mainmise sur la destinée des hommes. Et si l’accident avait été monté pour atteindre à cette liberté, dangereuse, de l’ère post-nucléaire ?

Geoffrey Le Guilcher, avec un art du récit totalement maîtrisé, utilise l’anticipation pour mener une enquête dans le monde d’après. La Hague est une cible envisagée par l’Etat français, une cible réelle, et la répercussion d’un tel « accident » serait gigantesque, car le nuage radioactif ne s’arrêterait sans doute pas aux frontières… La Pierre jaune est un excellent et lucide exercice catastrophe.

Loic Di Stefano

Geoffrey Le Guilcher, La Pierre jaune, Gallimard, « Folio SF », 327 pages, 9,20 euros

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