Épicure aux enfers, hérésie, athéisme et hédonisme au Moyen Âge

Un spécialiste de la philosophie au Moyen-Âge

Ancien membre de l’école française de Rome et directeur de recherche au CNRS, Aurélien Robert est devenu un de nos meilleurs spécialistes d’histoire de la philosophie du Moyen-Âge et de la Renaissance. On lui doit des publications telles que La Philosophie de Blaise de Parme (Sismel-Edizion del Galluzo, 2019) ou Frontières des savoirs en Italie à l’époque des premières universités, en collaboration avec J. Chandelier (École Française de Rome, 2015). Il a publié cette année Épicure aux enfers où il revient sur la réception en Occident (mais aussi dans le monde musulman) du philosophe grec au Moyen-Âge : vaste sujet !

Une histoire à rebours des sentiers battus

Ici, Aurélien Robert prend derechef le contre-pied de la caricature et de la tradition. Épicure, on l’a longtemps cru, fut vu par les auteurs chrétiens de l’antiquité tardive et du Moyen-Âge comme le chantre du plaisir à tous crins (on n’est pas loin au final du jouir sans entraves des soixante-huitards si on sombrait dans l’anachronisme). Or cela est faux. Nombre de moines, de théologiens, d’intellectuels ont perçu, loin du contresens habituel, que l’originalité de la pensée d’Épicure. Il fut même présenté par certains comme un sage, à l’égal d’Aristote. Et on revenait de loin tellement les polémistes des trois monothéismes juif, chrétien, musulman, l’ont présenté ainsi comme le démontre Aurélien Robert. En souvenir d’une compétition intellectuelle féroce ?

Des postérités multiples

Jamais oublié même si une partie des manuscrits se réclamant de lui s’est perdue, Épicure resurgit à la fin du Moyen Age. Des érudits comme Abélard et Jean de Salisbury tentent de l’acclimater au christianisme. Via Lucrèce (un épicurien déjà tardif), on tente de l’utiliser pour justifier une sexualité épanouie (du point de vue de l’homme, n’exagérons rien), voire une idée très neuve : le bonheur. Lorsqu’on pense à certains textes épicuriens qui versent dans l’ascétisme, on a envie de rire. C’est une preuve en tout cas de la permanence d’un penseur antique grec en plein occident médiéval : c’est le grand mérite de cet Épicure aux enfers de le démontrer.  

Sylvain Bonnet

Aurélien Robert, Épicure aux enfers, Fayard, février 2021, 368 pages, 24 eur

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