Louis XIII de Jean-Christian Petitfils, le grand roi oublié

L’historien des Bourbons  

En une trentaine d’années, Jean-Christian Petitfils s’est imposé comme le spécialiste de l’ancien Régime et des rois Bourbons. Il a consacré une biographie à Louis XIV (Perrin, 1995), Louis XV (Perrin, 2014) ou encore Louis XVI (Perrin, 2005) et vient tout récemment d’en consacrer une à Henri IV. N’oublions pas non ses biographies du Régent (Fayard, 1986), de Lauzun (Perrin, 1987) ou de Fouquet (Perrin, 1998). Les éditions Perrin rééditent en tout cas celle d’un roi célèbre mais méconnu, Louis XIII, passé dans la culture populaire avec les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas sous une forme plutôt caricaturale : on le connait sous les traits d’un prince qui s’ennuie, un peu malade, négligeant la belle Anne d’Autriche. On va voir qu’il en fut tout autrement.  

Un prince marqué par la vie  

Comment succéder à Henri IV quand on a juste neuf ans ? Les premiers chapitres de la biographie permettent de faire connaissance avec un enfant qui vénère son père mais que sa mère néglige. Il est élevé avec tous ses frères, sœurs, mais aussi les demi-frères alors qu’on lui inculque une très haute idée de son rang. Seul, isolé, il est tenu à l’écart du pouvoir par sa mère durant sa régence et aussi après. Mais elle a tort de négliger son fils. Avec Luynes et d’autres, il réalise un « coup d’état royal »  provoquant l’assassinat du favori de sa mère, Concini, avec un sens inné de son autorité et une capacité de dissimulation hors normes. Voilà en tout cas un roi en conflit avec sa mère et bientôt son frère Gaston, son successeur désigné. Sans compter sa femme Anne d’Autriche, qui ne l’aime pas. On peut dire qu’on a connu des rois mieux lotis par le destin.  

Le monarque  

Louis XIII est un roi de son temps. Pieux, susceptible, il est aussi conscient des risques qui pèse sur l’État royal en France (révoltes des protestants, des princes, de son frère) et des périls extérieurs. Petitfils explique qu’il va pendant une dizaine d’années chercher son favori ou son premier ministre. Sa chance est qu’il est tombé sur Richelieu, un homme très intelligent et un organisateur-né. De nombreux historiens ont voulu démontrer que Richelieu était alors le vrai maître de la France : ils ont eu tort. Louis XIII était pleinement roi et on a affaire ici à un vrai tandem. Sans la faveur et le soutien de Louis XIII, Richelieu n’est rien…  

Un grand capétien  

Au final quel bilan trouvons-nous ? Si la guerre avec les Habsbourg a fait souffrir les populations (ne négligeons pas les famines…), Louis XIII et Richelieu ont réussi leur pari. Les armées françaises, après la défaite de Corbie, ont réussi à desserrer l’étau des Habsbourg. Rocroi, la grande victoire du futur grand Condé, marque le début de la prééminence française sur le continent. Sur le plan intérieur, Louis XIII a fait progresser l’État royal contre les grands féodaux, s’appuyant sur les réseaux de clientèle de Richelieu. A sa mort, le très jeune Louis XIV hérite de cartes solides que sa mère (qui fut mêlée à bien des complots contre son mari) et Mazarin, malgré la Fronde, vont faire fructifier. Fut-il bisexuel ? Une question qui fait encore débat. En tout cas il fut au final un grand roi, selon les critères de l’époque et ce Louis XIII de Jean-Christian Petitfils est l’occasion de s’en rendre compte.

Sylvain Bonnet  

Jean-Christian Petitfils, Louis XIII, Perrin, août 2021, 1056 pages, 18 eur

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