Entretien avec Jean D’Aillon, maître du roman historique

Jean D’Aillon fait partie des auteurs incontournables pour ceux qui aiment les romans historiques. Mêlant la fiction à l’histoire, ses romans de cape et d’épée se caractérisent par une exactitude historique remarquable : tout est vérifié et vérifiable. C’est toujours avec un grand plaisir que l’on ouvre le dernier volet des aventures de Guilhem d’Ussel, Louis Fronsac ou Edward Holmes. C’est à l’occasion de la sortie du  Grand Incendie, paru chez Plon, que Jean d’Aillon a gentiment  accepté de répondre à nos questions. Nous l’en remercions.

 

 

Comment vous est venue l’idée d’utiliser le grand incendie de Londres de 1666 comme toile de fond de la dernière aventure de Louis Fronsac ?

 

Pour écrire Le Grand arcane des rois de France, j’avais choisi plusieurs de mes personnages dans les Archives de la Bastille où l’on trouve les correspondances entre le gouverneur et plusieurs protagonistes parties prenantes d’affaires criminelles. C’est ainsi que j’ai découvert l’affaire des joyaux anglais, lord Hollis, Gombleton et Mathurine Desfontaines.

C’était un bon sujet de roman, et une histoire avec Fronsac s’y prêtait. De plus, en 1666, je bénéficiais du Grand incendie, un évènement extraordinaire. Je me suis alors intéressé à cet incendie et j’ai découvert Samuel Pepys qui l’a relaté, et dont j’ai lu l’intégralité des mémoires. J’avais dans ce texte une foule d’informations sur la vie quotidienne à Londres. Comme je gardais en réserve le fils caché de Tilly, que j’avais prévu de sortir à l’occasion, je l’ai introduit et j’ai repris quelques personnages du Grand arcane des rois de France . Ne restait plus qu’à écrire le roman.

 

Cette scénographie grandiose a-t-elle été simple à manœuvrer ?

La documentation sur l’incendie est importante et je suis allé à Londres alors qu’on fêtait son 450eanniversaire. Je me suis rendu dans des expositions et j’ai ramené beaucoup d’ouvrages édités spécialement pour cet anniversaire. Après, il fallait juste faire caler les faits véridiques avec la partie romanesque, et trouver des documentations complémentaires (les combats d’ours, les évasions dans la Tour, la Restauration et les séquelles de la République, etc.)

 

Le Grand Incendie est le vingt sixième roman où Louis Fronsac apparaît. Comment réussir à ne pas lasser les lecteurs ?

Quand les livres ne se vendront plus, j’arrêterais, mais pour l’instant, tout va bien ! Cependant j’essaie toujours de proposer quelque chose de nouveau au lecteur. Ce peut-être dans les lieux (La Rochelle, ou Rome, dans de prochains livres), ce peut-être un aspect méconnu de tel ou tel personnage (par exemple la fin des parents de Gaston de Tilly, ou l’existence de son fils caché) ; ce peut-être un secret autour d’un grand personnage, comme dans Menaces sur le roi , qui va sortir chez 10/18.

 

Avez vous déjà une idée de l’évolution future de Louis Fronsac?

Fronsac a eu une vie très agitée dont je n’ai révélée qu’une partie (n’oublions pas que je détiens l’original – annoté – du récit de sa vie fait par sa belle-fille.) Ainsi, j’ai en projet la suite des Collèges fantômes, qui traitera du siège de la Rochelle, ville dans laquelle Fronsac se trouvera pris au piège. J’ai également terminé deux longues nouvelles qui se situent avant le Mystère de la chambre bleue , sous le titre :  les Premières enquêtes de Louis Fronsac . J’ai prévu d’autres récits de son activité durant la Fronde, et pendant les années suivantes. Enfin, dans quelques temps, Fronsac se rendra à Rome, pour une aventure encore différente des précédentes !

J’ai « en stock » une vingtaine, sans doute plus, de sujets de romans, parfois entamés ou documentés. Il est peu probable que je les écrive tous, mais peut-être qu’après ma mort quelqu’un reprendra la série. En tout cas je laisserai suffisamment d’éléments pour que ce soit possible, et j’ai même prévu la chose.

 

Un autre de vos personnages phares est Edward Holmes dont la dernière aventure,  Le Pont de Montereau vient de paraître aux éditions 10/18 : pourquoi vous être inspiré de Conan Doyle ?

Entre 1422 et 1438, le roi de France se nommait Henri VI de Lancastre, qui était également roi d’Angleterre car, en 1420, par le traité de Troyes, le roi Charles VI, fou, avait accepté que son gendre Henri V soit régent du royaume de France, et que le fils de ce dernier hérite du trône.

Durant cette période, Paris fut une ville anglaise sous le gouvernement de Jean de Lancastre, duc deBedford, qui logeait au palais des Tournelles, puis à l’hôtel de Bourbon. Le gouverneur de la Bastille se nommait John Fastolf, grand maître de la maison de Lancastre.

En cette période, les jugements et les condamnations, parfois expéditifs, étaient rendus par le prévôt de Paris et les conseillers du Parlement, mais avant d’être jugés, les accusés pouvaient s’expliquer et demander à un homme de loi d’obtenir une lettre de rémission, un acte de la chancellerie par lequel le roi leur pardonnait en arrêtant le cours ordinaire de la justice. Ces lettres, on en a des centaines, aussi j’ai jugé vraisemblable qu’un clerc anglais perspicace conduise des enquêtes pour argumenter les lettres de rémissions qu’il demandait. Dès lors, pourquoi ne pas appeler ce clerc Edward Holmes et lui donner comme compagnon un ancien archer d’Azincourt du nom de Gower Watson ?

 

Votre parcours professionnel ne vous prédestinait pas  à l’écriture : comment et pourquoi passe-t-on d’une carrière dans l’administration des Finances à celle d’auteur à succès ?

Par hasard et par obstination ! J’ai démissionné quand le succès est venu !

 

Aucun regret d’avoir abandonné la gestion administrative pour l’écriture ?

Non. C’était une autre vie.

 

Que lit un auteur de roman historique ? Quelles sont vos dernières lectures ?

Dans les ouvrages de documentation, le dernier est Urbs, d’Alexandre Grandazzi, une somme sur l’histoire des monuments de Rome. Dans les romans, c’est  Du haut des cieux, les étoiles, dans la collection « L’Ouest, le vrai » dirigé par Bertrand Tavernier chez Acte sud, une collection que m’avait fait connaître mon ancien éditeur chez 10/18. Il s’agit du livre qui a inspiré le film ElDorado de H. Hawks.

 

Après Le Grand incendie et Le Pont de Montereau, quels sont vos projets et lequel de nos héros aurons-nous le plaisir de retrouver dans les mois à venir?

Tout d’abord, fin août sort La Quête du trésor du temple, un récit en deux parties, puis fin septembre Menaces sur le roi  et une réédition du  Dernier secret de Richelieu , chez 10/18. Le premier n’était disponible qu’en numérique et le second était épuisé.

Pour Noël, les Premières enquêtes de Louis Fronsac, mais uniquement chez Amazon en impression à la demande (ultérieurement en poche si un éditeur poche l’achète).

Au printemps paraîtra  Wartburg, 1210 , une nouvelle aventure de Guilhem d’Ussel.

Enfin est prévu un nouveau roman avec Holmes ( La Danse macabre) et surtout une bande dessinée sur la jeunesse de Guilhem d’Ussel : De Taille et d’Estoc. Si elle intéresse suffisamment de lecteurs, toute la série des Guilhem d’Ussel pourrait ensuite être adaptée.

 

 

Propos recueillis par Clio Baudonivie

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