Entretien dans un labyrinthe avec Gilbert Gallerne

A l’occasion de la parution de son roman Sous terre personne ne vous entend crier, polar très noir paru chez French Pulp et construit comme un labyrinthe, nous avons sorti Gilbert Gallerne de son souterrain ! résultat :

 

Entretien

Le souterrain apparaît comme un acteur à part entière de votre dramaturgie. Avez-vous fait des repérages sur place ? comme pour cette petite rue invisible, existe-t-elle vraiment ?

Oui, je suis allé « sur place ». J’ai effectué quelques repérages (catacombes, égouts…) mais la majeure partie de ma documentation s’est faite via les livres existant sur les sous-sols parisiens et les nombreux sites Internet consacrés à la question. Quant à la mystérieuse ruelle, elle existe certainement. Reste à la trouver.

Si je définis votre roman comme une longue et tortueuse histoire de famille, qu’en pensez-vous ?

« Une longue et tortueuse histoire de famille », oui dans plusieurs sens et à plusieurs niveaux. Cela s’inscrit (involontairement) dans une tendance actuelle qui amène les problèmes familiaux et les relations familiales au coeur des histoires. On ne peut plus écrire  vraiment des histoires où les personnages sont totalement déconnectés de notre univers, dont les héros ne semblent vivre que dans et par l’enquête en cours. Si l’on prend la série des Bosch (Michael Connelly) c’est une longue histoire de famille qui se déroule devant nous au fil des volumes. Pareil pour de grands classiques comme Autant en emporte le vent ou Le parrain… On peut citer aussi tout l’oeuvre de Stephen King, les romans d’Ellroy dont l’intrigue fait souvent appel à un secret de famille ou à des relations familiales compliquées, et les grandes séries américaines comme “Les Soprano”, Dexter, Walking dead, Justified… L’implication de la famille apporte une dimension supplémentaire aux personnages et donc davantage d’intérêt à l’histoire et permet de relier éventuellement les différents épisodes entre eux, même s’ils constituent des histoires à part entière comme les romans de Connelly. En ce qui concerne Sous terre, personne ne vous entend crier, on a effectivement plusieurs histoires de famille qui s’entrecroisent et se répondent. Je n’avais pas conscience de cet élément lorsque je préparais cette histoire, mais à la réflexion, c’est bien là.

Mais comme on s’y attend un peu, n’avez-vous pas peur que tous les fils se tissant autour du même axe le lecteur ne soit pas assez surpris par la révélation finale ? Pour ce qui est de la relation entre Michaël et Jonzac, on la devine à la moitié du livre, par exemple…

Non, nous sommes dans le domaine du thriller, du suspens, plus que de l’enquête policière. On doit connaître le méchant très rapidement, ensuite la grande question c’est « le héros parviendra-t-il à l’empêcher de nuire davantage ? » C’est le principe du thriller, comme dans un James Bond, contrairement à l’enquête policière genre Hercule Poirot où tout repose sur l’explication finale qui vient tout éclairer. Cela dit, je pense que mon final réserve quand même quelques surprises, et que les révélations finales éclairent d’un jour nouveau tout le roman, même si on sait à peu près qui est qui à mi-chemin. Et puis, cela répond également à un souci de construction : si vous restez dans le mystère total pendant quatre cent pages, il vous faut ensuite vingt pages d’explication pour que le lecteur comprennent enfin qui est qui et qui a fait quoi. C’est un peu lourd. Je préfère distiller les informations peu à peu, même si elles sont déformées, ou des mensonges proférés par certains personnages (c’est une technique que j’ai utilisée dès Teddy est revenu (1), où toute l’explication de l’histoire est révélée au fil du roman mais à travers des témoignages tronqués ou mensongers, ce n’est que dans les dernières pages que la vérité se rétablit, mais sur la base d’éléments connus qu’il faut réajuster les uns par rapport aux autres pour la découvrir).

 

 

Comment vous est venue l’idée de Michael, personnage si particulier et manière de nouveau Minotaure (du moins monstre au sens premier et tératologique du terme) dans son labyrinthe ?

L’idée de Michael… cela remonte tellement loin que j’en ai un peu perdu l’origine. J’ai commencé à réfléchir à ce roman au début des années 80 (mon premier document acheté sur le Paris souterrain porte un copyright de 1981 et je l’ai acheté à sa sortie). L’idée était d’écrire un roman qui se passerait dans les sous-sols de Paris. Ces sous-sols forment un vrai labyrinthe, donc l’idée du Minotaure vient se greffer là-dessus d’une façon toute naturelle. D’ailleurs, mon titre de travail a été pendant des années « Minotaure » ; ce n’est que dans la dernière version du roman qu’il s’est transformé en Sous terre, personne ne vous entend crier. Donc j’avais ce tueur sous terre, dont la psychologie s’est développée graduellement, et peu à peu j’ai « découvert » qui était vraiment Michael, quelle était son histoire, d’où il venait… pour obtenir la créature finale que l’on découvre dans le roman et dont je suis assez fier. Bien que certain aient parlé de fantastique à propos de cette fin, il n’y a rien de surnaturel ou d’impossible là-dedans. Juste deux phénomènes rares que j’ai réunis en une seule personne. En fait, j’ai d’abord eu l’idée de mon monstre et de son origine, et en faisant quelques recherches j’ai découvert que de telles créatures existent et donc que celle que j’ai inventée serait « envisageable ». De là à dire qu’elle a peut-être déjà existé mais qu’on n’en a jamais rien su faute de pouvoir se livrer aux examens nécessaires… je pense que ce n’est pas impossible.

Votre titre est une référence à Alien, et dans le livre il semble y en avoir une belle à Golum dans le Seigneur des anneaux. Doit- on chercher d’autres easter-eggs dans votre roman ?

Il n’y a pas de référence au Seigneur des Anneaux, je n’ai pas lu, ni vu les films (oui, je sais…). D’autres Easter-eggs, au moins un.

Et quel est votre prochain projet ? 

Mon prochain livre paraîtra en février 2019 chez French Pulp. Il s’agit d’un roman noir intitulé Mauvaise main.

 

propos recueillis par Loïc Di Stefano

Lire la chronique à propos de Sous terre personne ne vous entend crier

 

(1) Teddy est revenu, édition originale Claude Lefrancq, 1999.

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