Au nom du père, haines familiales

Un jeune romancier au cuir tanné

Déjà auteur d’un polar, La Faux soyeuse, paru également à la Série noire en 2014 et où il s’était beaucoup inspiré semble-t-il de son expérience de toxicomane, Eric Maravelias est un écrivain encore méconnu qui visiblement en a à revendre : il a publié au début de l’année Au nom du père, roman noir qui prend aussi des allures de science-fiction (il se déroule dans notre futur proche). Allons voir de quel bois se chauffe ce roman… 

De la Macédoine à Paris, itinéraires criminels 

1998 : Dante Duzha est un criminel respecté dans son milieu en Macédoine mais il doit partir, à l’affût de juteux profits que lui fait miroiter un gros truand marseillais, Ange Piétri, en France. Il confie ses affaires à son meilleur ami, l’albanais Falcone et il lui demande de veiller sur son neveu, est en réalité son fils, Alkan. En effet, Dante est tombé fou amoureux autrefois de la jeune albanaise Moza et celle-ci est tombée enceinte. Pour sauver son honneur, il lui a fait épouser son frère. Lui a préféré garder sa liberté et puis il n’est qu’un voyou… 

2023. Paris est devenu la métropole mondialisée d’un pays où les élections ont été suspendues. Police et milice font respecter la loi mais le milieu s’enrichit des trafics de stupéfiants et aussi du travail illégal des migrants. Falcone opère désormais à Paris et gagne très bien sa vie mais voilà, il est amer : 

Falcone ne s’en sortait pas si mal, dans l’ensemble, mais il était haineux. Il avait dû quitter Ohrid en catastrophe après l’arrestation d’Alkan, en Macédoine, et il ruminait, mâchant et remâchant sa rancœur envers Dante et son fils. Mais le dénouement était proche maintenant. » 

En effet, arrêté pour trafic de drogue, Alkan a lâché, sur conseil de son oncle/père le nom de Falcone à la police macédonienne. Tout ce beau monde travaille ensemble mais se hait. Alkan est tombé amoureux de Cristale, une jolie fille qui est aussi la petite amie de Dante. Falcone est au courant et veut faire chanter le fils pour faire tomber le père… Rien ne se passera comme prévu… 

Un roman familial et une morale noire… 

Dante, Falcone, Alkan : trois personnages, trois immigrés des Balkans, trois criminels, trois tueurs. La mécanique mise en place par Eric Maravélias est implacable. Pour Alkan, il s’agit de tuer le père mais lequel ? Son oncle, son patron à qui il a piqué sa copine, ou l’homme qui l’a élevé, Falcone, et qu’il a trahi ? Quant à Dante et Falcone, trop de secrets les lient normalement pour qu’ils se combattent mais l’un a trahi l’autre… Au final on a droit à un vrai complot de famille qui prend comme décor une France démolie par le néo-libéralisme, où ses enfants se défoncent pour oublier. Beau programme pour notre avenir ? Bon roman en tout cas.                                                                                                                   

Sylvain Bonnet 

Eric Maravélias, Au nom du père, Gallimard, « Série noire », février 2019, 384 pages, 21 eur

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