Grandeur nature, père, fils et filles
Dans ce recueil, Erri De Luca décrit neuf modes de rapports entre parents et enfants. Il précise : « J’en suis à moitié étranger : n’étant pas père, je suis resté nécessairement fils ».
Difficiles filiations
Dans Grandeur nature, le court texte qui a donné son titre au livre, il s’interroge sur la soumission sans faille d’Isaac à son père Abraham : c’est lui qui prépare gentiment le bois sur l’autel de son futur sacrifice… Tel père tel fils ? Le père aussi, en fidèle soumission, est prêt à occire son fils pour obéir à la voix qu’il entend… Bonté divine !
Il décrit ensuite les Leçons d’économie qu’il a reçues de ses parents : à la maison on ne parlait jamais d’argent, et l’on se contentait de ce que l’on avait.
Dans Le tort du soldat, il décrit la réaction d’une jeune fille lorsque sa mère quitte la maison… En lui révélant que son grand-père est en fait son père, et que c’est un nazi recherché par toutes les polices : hérite-t-on des crimes de son père ?
Quand les pères sacrifient leurs fils
Dans Merci, une fille écrit à sa mère décédée depuis sa prison. Dans Une expression artistique, il décrit l’art du lancer de pavé, notamment en mai 1968… La Dernière histoire est un éloge de la bonté divine : pensez donc, « le père meurtri désespéré, laisse exécuter la condamnation à mort de son fils » Jésus. Erri De Luca éprouve une compassion pour ce père nommé Yahvé qui fait mourir son fils… Doit-on supposer que cette thématique récurrente du père sacrifiant le fils a une dimension autobiographique ?
On dit d’un tissu qu’il est passé quand ses couleurs se sont estompées. De même, on pourrait dire que ces textes sont passés. D’eux émane un parfum ancien qui a perdu de son intensité. Est-ce dû à leur dimension religieuse qu’on n’appréciera pas forcément ? Puisqu’on sait que le dieu est mort… Ou est-ce un fait de culture : le passé trop glorieux de l’Italie retiendrait ses natifs dans le passé. On dira qu’Erri De Luca est un auteur intemporel !
Mathias Lair
Erri De Luca, Grandeur nature, traduit de l’italien par Danièle Valin, Gallimard Folio, novembre 2024, 168 pages, 8,30 euros