Faire le roi, la représentation perpétuelle
Un roi pas comme les autres
Ah Louis XIII ! la postérité n’a pas été bonne avec lui, il n’y a qu’à voir comment Alexandre Dumas le traite dans Les trois mousquetaires (au demeurant un roman indépassable). Il a eu la malchance d’être coincé entre son père Henri IV et son fils Louis XIV, sans compter l’ombre du cardinal de Richelieu, son ministre. Roi à douze ans, Louis XIII avait été entraîné dès l’enfance à son métier, ce qui impliquait de dresser son corps, parfois récalcitrant à l’exercice. Professeur à l’université de Londres, Marie-Claude Canova-Green nous invité à une odyssée : comment Louis XIII assurait physiquement ses tâches de représentation ? Comment son corps supportait-il ces tâches ? Et lui-même ?
Un corps dressé depuis l’enfance
Marie-Claude Canova-Green nous montre déjà un enfant, tôt conscient de son rôle particulier, qui doit apprendre à contrôler son corps. Doté d’un physique légèrement disgracieux, un peu bègue, pas à l’aise en public, Louis XIII doit très tôt à apprendre à contrôler son corps. Il devient un chasseur émérite, n’hésite à commander ses armées et à prendre des risques sur le champ de bataille (tendance contre laquelle Richelieu combattra). Roi de guerre, Louis XIII est aussi un excellent danseur comme son fils, n’hésitant pas à se mettre en scène, parfois de façon qu’on interpréterait aujourd’hui comme transgressive : il n’hésite pas à se travestir par exemple. Mais danser est surtout ici une volonté de montrer l’ordre du monde et le charisme et la dignité royale.
Cacher et montrer
Finalement Louis XIII varie constamment entre la volonté de cacher ses humeurs, ses émotions, son corps afin de préserver la fonction royale, et la nécessité de se montrer. Volontiers décrit comme un prince secret, capable de dissimulation, par ses contemporains, il fait de même longtemps avec sa santé. Longtemps, il cache ses maladies, ses ennuis d’intestins, sauf quand cela devient trop grave comme en 1630 ou en 1642. Arrivé au seuil de la mort, il se dévoilera, corps décharné et pâle… Pour Marie-Claude Canova-Green, il y a ici trois corps du roi (et non deux, comme le formula le célèbre Ernst Kantorowicz) : le réel, le corps politique et celui où il incarne sa dignité (la dignitas des anciens). Voici une thèse intéressante, voisine de celle de Stanis Perez dans Le Corps du Roi (Perrin, 2018).
Sylvain Bonnet
Marie-Claude Canova-Green, Faire le roi, l’autre corps de Louis XIII, Fayard, mars 2018, 372 pages, 23 euros