La Guerre au cinéma et à la télévision

Incroyable ! Ce livre est tout bonnement incroyable. Dieu sait si j’en ai lu des livres sur le cinéma. Des faussement intelligents, des carrément tartes, des super documentés, des honteusement bâclés mais celui-ci se classe hors concours. Difficile de faire mieux !

Si l’on vous parle d’un ouvrage sur la guerre au cinéma votre première réaction va être « Quelle guerre ? ». Réponse : TOUTES ! Oui, oui, oui : toutes ! Certes, il existe des opuscules traitant de la 2e guerre mondiale ou de la guerre du Vietnam. D’autres s’efforçant de faire un tour d’horizon un peu plus complet. En vrac on peut rappeler qu’existe un copieux bouquin sur Napoléon au cinéma (donc sur ses guerres !). En 2006 est paru un War Films mais il ne s’intéressait qu’à une vingtaine de productions. Bilan : celui-ci va plus loin et vise plus haut.

Ça commence avec les guerres antiques. Et même avec la guerre de Troie qui, contrairement à ce qu’affirma Jean Giraudoux a bien eu lieu (ça c’était pour la frimeuse référence intellectuelle) et ça se termine avec la guerre en Irak et autres conflits actuels.

Pour bien aborder ce colossal document, il est conseillé de commencer par la fin. Parcourir la filmographie. Sélective car l’auteur, Jean-Pierre Andrevon, a parfaitement conscience de l’impossibilité de dresser la liste de tous les films fait dans tous les pays traitant de toutes les guerres. Pourtant cette liste est déjà impressionnante : 59 pages de titres de films ! Pas seulement les connus, les soi-disant références mais aussi les oubliés, les jamais vus et les mal foutus. De quoi donner le vertige.

 

« Il faut sauver le soldat Ryan », Steven Spielberg, 1998

 

 Partant de cette liste Andrevon a fort intelligemment sélectionné, pour chaque conflit, les titres lui paraissant les plus significatifs. Bien sûr on pourra toujours ergoter sur ses choix. Pourquoi ne parle-t-il pas d’Un pont trop loin ? Pourquoi évite-t-il Le Bon, la brute et le truand ? Pourquoi délaisse-t-il Fury ? Mais un tel débat serait totalement vain. Il fallait choisir, il l’a fait et c’est très bien comme cela.

Donc à chaque guerre ses films. À l’intérieur de ce cursus, l’auteur monte son propos sur deux critères. L’un strictement cinématographique : la qualité et l’intérêt du film. Un regard très critique qui n’évite pas les coups de griffe (voir comment est traité Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick). Puis – et c’est ici la grande surprise — un point de vue strictement historique. Avec précision, il est dit et démontré si les œuvres sont ou non proches de la vérité des faits. Et ce – je le répète – pour toutes les guerres et pour tous les films choisis.

 

« Les Sentiers de la gloire », Snanley Kubrick, 1957

 

Dès lors ce livre est à la fois un atout très précieux pour les amateurs de cinéma (combien de films sortis de l’ombre ?) mais aussi un ouvrage de référence historique (je n’y connais pas grand-chose dans ce domaine mais je suis convaincu qu’Andrevon a potassé ses sujets avant de prendre la plume). De ce fait on y apprend énormément de choses. D’une part sur les tournages (moult détails et anecdotes) d’autre part sur la véracité de ces faits de guerre aussi sanglants que nombreux. Dans la foulée on y apprend (mais on le savait depuis des lustres) qu’il faut toujours se méfier de la « vérité » racontée par le septième art, y compris quand le scénario est, nous affirme-t-on, « tiré de faits réels ».

Comme Andrevon ne se contente pas de quelques lignes jetées de ci delà, cela aboutit à une somme de plus de 500 pages (en petits caractères) et à une mine. Non une mine anti-personnel mais une mine de renseignements, ce qui est moins dangereux. 

 

« La 317e section », Pierre Schoendoerffer, 1965

 

On se sent humble devant un tel travail. On n’ose imaginer le nombre d’heures à visionner des milliers de films puis à compulser les ouvrages de référence. À ce sujet, j’émets un regret : pourquoi l’auteur n’a-t-il pas mis en exergue tous les livres d’où il a tiré son savoir ?

Bref un travail de Titan, c’est-à-dire de guerrier bien décidé à mener son combat jusqu’au bout. Un guerrier qui mérite au moins la médaille du courage. J’y ajouterai la médaille du travail bien fait (si elle n’existe pas, il faudrait l’inventer).

Je reprocherai seulement à Andrevon, passionné par ses sujets, de proposer pour chaque film des résumés un peu trop longs avec des détails inutiles. À part cela, j’ai relevé quelques coquilles inévitables dans un projet de cette ampleur (Paul Meurisse qui devient Paul Meurice, Gil Delamare transformé en Gilles Delamare, etc.). Dans toute bataille, il y a des dommages collatéraux.

Enfin petite précision : le cinéma est ici très largement plus représenté que la télévision. Et c’est tant mieux.

 

Philippe Durant

 

Jean-Pierre Andrevon, La Guerre au cinéma et à la télévision, Vendémiaire, mai 2018, 574 pages, 29 euros

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