« Fondu au noir » : sexe, meurtre et celluloïd

Fondu au noirAvec Fondu au noir, Ed Brubaker et Sean Phillips reviennent au polar. Avec cette fois pour décor le Hollywood des années 40 et toile de fond le maccarthysme. Un des chefs-d’œuvre de l’année 2017.

 

Hollywood, 1948.
Charlie Parish travaille comme scénariste pour un grand studio de cinéma. Son dernier script est en cours de tournage. Un tournage qui n’en finit pas, puisque le réalisateur demande qu’on retouche régulièrement le script. Le lendemain d’une soirée particulièrement arrosée, Charlie se réveille groggy dans un appartement inconnu. Il découvre le cadavre de la starlette du film qui a manifestement été assassinée. Charlie ne se souvient plus de la soirée de la veille, il craint les soupçons de la police, et choisit de s’enfuir. Mais il découvre rapidement que le studio s’est arrangé pour maquiller le meurtre de la jeune vedette. Qui l’a assassinée ? Et pourquoi cacher ce meurtre ?

 

Extrait du comics Fondu au Noir
crédit : Sean Phillips (Image Comics)

 

Un nouveau sommet pour Ed Brubaker et Sean Phillips

Fondu au noir est le nouveau projet du scénariste Ed Brubaker et du dessinateur Sean Phillips. Le polar, c’est un peu leur marque de fabrique : ces vieux complices ont déjà commis Criminal et Fatale, deux chefs-d’œuvre du comics noir. Ce luxueux album tombe à point nommé pour célébrer une vingtaine d’années de collaboration. Car Fondu au noir constitue un nouveau sommet dans leur carrière.

 

Extrait du comics Fondu au Noir
crédit : Sean Phillips (Image Comics)

 

Les sales petits secrets d’Hollywood

Comme Ed Brubaker le raconte dans l’introduction de Fondu au noir, l’intrigue principale s’inspire de son histoire familiale. En effet, un des oncles de Brubaker a travaillé à Hollywood et a laissé derrière lui un long témoignage sous la forme d’un journal intime. Rien d’étonnant donc à ce que Fondu au noir soit aussi passionnant, aussi précis, dans ses descriptions et ses flash-backs. Brubaker met en scène un Hollywood qui détruit ses icones et qui broie ses employés. Un univers de tromperie, un miroir aux alouettes. Et au-delà d’Hollywood, Brubaker raconte les victimes. Celles de cette période qu’on appelle « La Peur rouge », ou bien encore celles de la Seconde Guerre mondiale, des hommes qui souffraient non dans leur chair, mais dans leur âme. Oui, finalement, Fondu au noir a l’ambition d’être bien plus qu’un polar, une peinture fascinante des États-Unis des annéesـ 40.

 

Extrait du comics Fondu au Noir
crédit : Sean Phillips (Image Comics)

 

Sean Phillips pour un casting impressionnant

Évidemment, Ed Brubaker prend un malin plaisir à mettre en scène le glamour de pacotille dans une histoire qui transpire le roman noir. Dashiel Hammett est cité, en hommage à un des maîtres du genre. Et puis il y a le dessinateur Sean Phillips, le vieux complice, qui transcende encore une fois (se souvenir de Fatale) le script de Brubaker avec un trait particulièrement subtil. Ses décors se font détaillés et précis ; chaque dessin donne une impression étourdissante de crédibilité. Fade Out (le titre vo) s’étale sur 12 épisodes et plus de 400 pages ; autant dire que le casting est fourni. Pourtant, Phillips donne à chaque personnage une âme, un détail, qui marque. À noter le superbe making-of proposé sur The Art of Sean Phillips, le blog de l’artiste.
Fondu au noir en plus d’être passionnant est un comics d’une élégance folle.

 

Stéphane Le Troëdec

 

Ed Brubaker (scénariste), Sean Phillips (dessinateur), Fondu au noir, Delcourt, collection contrebande, novembre 2017, 400 pages, 39,95 euros

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