Le défi de gouverner, un essai très politique

Un revenant

On avait un peu perdu de vue François Hollande, président de la République de 2012 à 2017, ancien premier secrétaire du Parti socialiste. Mais, par la grâce d’une dissolution ratée, le voici à nouveau député de Corrèze tandis qu’il publie Le défi de gouverner, un récit très personnel du rapport entre la gauche française et le pouvoir depuis l’affaire Dreyfus. Vaste entreprise, déjà tentée par des historiens et des politistes (on se souvient ainsi du Long remords du pouvoir de Gérard Grunberg et Alain Bergounioux). Que nous apprend François Hollande ?

Un duel permanent entre radicaux et réformistes

De fait, François Hollande livre une histoire plutôt bien documentée avec une thèse simple : depuis le début la gauche est partagée entre radicaux et réformistes mais ne l’emporte que lorsque ces derniers sont majoritaires. Et, de fait, le pouvoir a longtemps fait peur, par les compromis qu’il nécessite. Le débat commence au moment de la constitution du gouvernement Waldeck-Rousseau lors de l’affaire Dreyfus où Jaurès réussit in extremis à permettre à son camarade Millerand de devenir ministre. Il est patent aussi que la gauche parvient au pouvoir en 1981 après que François Mitterrand ait permis au PS de dépasser le PCF dans les urnes.

Quelles politiques ?

François Hollande peint aussi des échecs. Celui du Cartel des gauches en 1924 par exemple, sans doute parce qu’au-delà de l’alliance électorale il n’y a pas eu de travail programmatique entre radicaux et socialistes et aussi parce qu’Édouard Herriot espérait gouverner à sa manière (mal parce que l’homme manquait de caractère). Ce n’est pas le cas en 1936 où le front populaire a un programme et l’applique… pour échouer deux ans après lorsque les radicaux s’allient avec la droite, ce qui souvent le cas dans l’entre-deux guerres. Reste que le front populaire a un bilan et un héritage. C’est plus compliqué pour le front républicain et un Guy Mollet dont on peut défendre certaines conquêtes sociales ou l’ancrage européen avec le traité de Rome en 1957 mais qui envoie le contingent en Algérie avec le résultat qu’on connait. On pourrait aussi parler de François Mitterrand, grand politique… qui dut faire face au réel en 1983 : c’est la constitution de 1958 qui lui permet de rester au pouvoir. Et quid de François Hollande ?

L’éternel retour

Car en filigrane de ces pages d’histoire bien racontées, François Hollande parle beaucoup de lui, de son action qu’il inscrit dans le sillon autrefois creusé par Léon Blum et François Mitterrand. Il y a eu les duels entre Guesde et Jaurès, Blum et Thorez, Mendès-France et Mollet, Marchais et Mitterrand… et maintenant celui d’Hollande avec Mélenchon. Hollande se veut un réformiste, lui qui a lancé la politique de l’offre malgré les critiques des frondeurs (et de Mélenchon), la seule politique possible selon lui… il ne dit pas que cette politique a coûté cher, n’a pas ralenti la désindustrialisation ni rétabli le solde de la balance commerciale. Et le crédit impôt recherche, tant vanté, a aidé mais son impact reste à évaluer. En fait, cet essai est une nouvelle : François Hollande est de retour et veut peser. Jouer un rôle. Voire se présenter en 2027 et battre définitivement son ennemi de toujours, Mélenchon.

Sylvain Bonnet

François Hollande, Le défi de gouverner, Perrin, septembre 2024, 416 pages, 23 euros

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