Le mystère Richelieu, l’homme au cœur du XVIIe siècle

Philippe Le Guillou aime les grands hommes et les grandes destinées. Au sein de sa (très) abondante bibliographie, on relève des essais sur Chateaubriand, Jésus, de Gaulle, Julien Gracq, entre autres. Rien d’étonnant à ce que Richelieu vienne s’ajouter à cette galerie de portraits. 

Portrait est bien le mot puisque l’auteur ne fait pas mystère de sa fascination pour les portraits de Richelieu que nous a légués la postérité. Le plus célèbre est celui de Philippe de Champaigne, magnifique dans sa majesté ecclésiastique. Mais on connait aussi le cardinal en posture martiale et guerrière, dans les fortifications du siège de La Rochelle. Et puis le tableau moins connu, qui trône à l’Académie française, où il est chez lui, puisque c’est lui qui a créé cette illustre compagnie en 1635, un an avant que Corneille n’écrive Le Cid

L’homme au cœur du XVIIe siècle

Nous voilà donc embarqués dans ce XVIIe siècle de guerres, de Ligue, de mousquetaires, de femmes redoutables (Marie de Médicis, Anne d’Autriche), de nobles conjurés et de conseillers tonsurés. Richelieu fut-il plus prélat que ministre ?… Le Guillou se garde de trancher, d’où ce titre Le Mystère Richelieu, et ce livre qui ne lève aucun voile sur les ambiguïtés d’un personnage complexe, controversé, souvent malade, né en 1585, évêque à 23 ans ( !), auteur d’une ascension foudroyante, depuis le modeste évêché de Luçon, jusqu’à l’antichambre du roi Louis XIII, qu’il servit avec autant de fidélité que de rouerie. Mais depuis le début, le meneur d’hommes perçait sous la soutane. 

Négociateur avisé mais inflexible, habile orateur, manipulateur, officier autant que prêtre, plus à l’aise sur les champs de bataille que dans les sacristies, Richelieu se méfia de tout et de tous. Plus homme d’épée que d’église et surtout grand politique, il inaugura un poste qu’après lui Mazarin et Colbert occupèrent avec talent, poste qui s’apparente à celui de notre moderne premier ministre. 

Le mal aimé

Pour autant, l’éminentissime Armand du Plessis, cardinal, duc et pair de France, surintendant de ceci, lieutenant général de cela, cumula bien des faveurs, mais ne fut, finalement, pas aimé. D’une cruauté insigne avec les protestants, faisant tout à loisir tomber les têtes qui le gênaient, il oublia toujours de manifester un cœur, une indulgence, une générosité, une compassion, qu’auraient dû lui imposer sa foi. C’est aussi pour cela que le prêtre mal aimé demeure mal compris. 

Philippe Le Guillou nous le restitue avec élégance et précision, dans des scènes célèbres : le siège de La Rochelle, la journée des dupes, le complot de Cinq-Mars, autant de moments où le prélat est entré dans l’Histoire. Mais Le Guillou sait aussi expliquer à demi-mot que la pourpre cardinalice a parfois la couleur du sang. 

Didier Ters

Philippe Le Guillou, Le Mystère Richelieu, Robert Laffont, mai 2021, 160 pages, 18 eur 

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