Xerxès, 20 ans après 300, le retour de Frank Miller

Un créateur célébré…

De Miller, on peut dire qu’il s’agit d’un des derniers « grands » du comics (à part Neal Adams, qui citer d’autre), genre de bande dessinée amené à disparaître vu la maigreur du lectorat actuel. Notre homme a commencé chez Marvel et a gagné ses premières lettres de noblesse sur la série Daredevil qu’il a largement redynamisé en créant par exemple le personnage d’Elektra. Passé à la concurrence chez DC comics, il reprend Batman et en donne sa version, Dark Knight returns qui changea littéralement le monde des comics. Brusquement, on parla de cette bd dans les médias et l’édition hardcover fut un succès, à l’instar de Watchmen. On commença aussi à accuser Miller de se complaire dans l’ultraviolence, à cause de son traitement du gang des « mutants »…

… et controversé

Ce discours qui resurgit dans les années 90 avec la parution des romans graphiques de la série Sin City. Graphiquement, Miller épure son trait et use du noir et blanc avec maestria tout en rendant un hommage marqué au roman noir. Sur le fond, que nous dit-il ? Que la corruption est partout, que le crime et la politique marchent de concert et au final, ben c’est dur… du pur roman noir mais beaucoup y verront les traces d’un fascisme de moins en moins latent. Avec 300, récit enlevé de la bataille des Thermopyles, on passe un palier. Si la qualité est toujours là, on regrettera vite bien des raccourcis et quelques jugements hâtifs qui n’arrangent pas la réputation de l’auteur (on va voir plus loin pourquoi)…

Depuis Miller a connu la gloire à Hollywood avec l’adaptation de Sin City par Robert Rodriguez, est lui-même passé devant la caméra pour un film dédié au Spirit de Will Eisner (un ratage complet) et a failli mourir d’un cancer… Il revient ici avec Xerxès, publié l’année dernière chez Dark Horse comics, suite de 300, que le public attendait depuis presque dix ans. Alors Miller tient-il ses promesses ?

Une prequel ? Une suite ?

Avec 300, Miller avait plongé ses lecteurs dans les guerres médiques. On y voyait des spartiates courageux, durs au combat, lutter contre l’armée perse dans un combat désespéré pour la liberté des grecs. On y voyait aussi des athéniens veules et clairement gays (Miller est-il homophobe ? La question a été débattue…), tellement caricaturaux qu’on finissait par en être gêné, surtout quand on avait suivi des cours d’histoire grecque.  Beaucoup y ont vu une lecture glorifiant l’Occident face à un orient décadent et/ou menaçant.

Or, comme si Miller avait lu ces critiques, Xerxès nuance et corrige le tir. Dans les premières pages, on voit des athéniens se battre bravement contre les perses, avec un Thémistocle ayant recours à la métis, la ruse, pour tuer le roi des rois, Darius. Par la suite, son fils Xerxès, celui qui dans 300 apparaissait comme un potentat oriental au look de « drag-queen », prend comme épouse la juive Esther et sauve le peuple juif. Le reste de l’album se passe un siècle plus tard et voit le combat entre Alexandre et Darius III. Si Alexandre gagne, c’est en respectant son adversaire qu’il appelle son « ami ».

Un graphisme qui nous avait manqué

On ne fait pas de romans sans parfois faire de beaux enfants à l’histoire et Xerxès ne déroge pas à cette règle. Par exemple l’histoire d’Esther concerne un roi nommé Assuérus, difficile  a priori à  rapprocher du Xerxès historique. D’un point de vue graphique, le résultat est inégal mais on se doit de saluer certaines planches qui renouent avec sa grande période. Miller aime toujours les splash pages et les corps anguleux, ainsi qu’une mise en page dynamique, bien rendue par le coloriste Alex Sinclair. Au final, nous ne sommes  pas déçus.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’une œuvre de l’importance de Sin City mais qu’importe ! il convient de rester fidèle à un créateur dans sa vieillesse.

Sylvain Bonnet

Frank Miller, Xerxès — la chute de l’empire de Darius et l’ascension d’Alexandre, traduit de l’anglais par Sidonie Van Den Dries, Futuropolis, mai 2019, 112 pages, 20 eur

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