Les Beatles, le premier des grands groupes de rock

Toujours les mêmes… et alors ?

Journaliste, Frédéric Granier est surtout connu comme étant chef de service à la revue Géo. On le connaît aussi comme l’auteur de Blur vs Oasis (Le castor astral, 2019) où il évoquait, plus de vingt ans après, un de ses conflits dont le monde de la musique en sécrète souvent. On pouvait aussi y voir un lointain écho de la rivalité qui avait opposé dans les années 60 les gentils Beatles contre les sauvages Rolling Stones, sauf que cette dernière fut entièrement fabriquée (au début du moins) par les journalistes. Frédéric Granier publie justement en ce début d’année une biographie des Beatles chez Perrin. On ne compte plus le nombre d’ouvrages publiés sur le quatuor de Liverpool depuis leur séparation en 1970. Découvre-t-on ici quelque chose de nouveau ?

Une question de point de vue

La première réponse serait non. Il n’y a pas de nouveau fait ici qui n’ait pas déjà été documenté ailleurs. L’histoire des enregistrements des Beatles a déjà fait l’objet d’études de Mark Herstgaard et surtout de Mark Lewisohn. Chaque membre a aussi fait l’objet de biographies. Par contre, c’est ici le point de vue qui change. Granier adopte une démarche d’historien et analyse l’impact culturel du groupe. McCartney, c’est reproduit au dos de la couverture, a dit avec raison qu’« on était dans l’esprit du siècle ». C’est exact. Avec eux, c’est le triomphe de la génération du Baby-boom, de la société de consommation, de la culture « jeune » et de la fin des structures traditionnelles des sociétés européennes.

Une musique révolutionnaire

Bien sûr, on en lit beaucoup sur la musique produite par les Beatles. Aujourd’hui encore, l’amateur reste stupéfait devant l’œuvre accomplie : passer de She loves you (1963) à A day in the life (1967) est tout bonnement incroyable ! L’incroyable alchimie entre les musiciens y est pour beaucoup, le génie du tandem Lennon/McCartney aussi. On notera aussi leur capacité à absorber toutes les influences possibles, d’Elvis Presley à Buddy Holly, de la Motown à Bob Dylan. Des collaborateurs comme le producteur George Martin, leur manager Brian Epstein ou l’ingénieur du son Geoff Emerick ont aussi beaucoup aidé. Et même Phil Spector, l’homme qui sauva l’album Let It Be, quoiqu’en pense McCartney !

Une rupture qui laisse encore bien des regrets

Pourquoi se sont-ils séparés ? Cette question hante les fans (dont je suis) depuis 1970. La faute aux egos sans doute et de Lennon et McCartney, on ne sait qui fut le pire… La découverte d’une cassette de septembre 1969, bien analysée par Granier, laisse cependant entendre que tout n’était pas joué. Lennon semble avoir longtemps gardé en tête la possibilité d’un autre album après Abbey Road, laissant aussi désormais plus de place à George Harrison : le benjamin du groupe alors en plein pic créatif (son album solo All things must pass sorti fin 1970, est un sommet de la musique de l’époque) alors que ses deux aînés avaient eu beaucoup de mal à reconnaître son talent. Cela aurait-il pu marcher ? On peut en douter, surtout avec les imbroglios juridico-financiers nés de l’irruption d’Allen Klein dans leurs affaires…

Reste la musique, une des plus belles du monde. Ah oui, une dernière chose : des Stones et des Beatles, qui étaient alors les meilleurs ? Tant que les seconds étaient ensemble, les Stones étaient condamnés à être les seconds. Par contre, une fois les quatre de Liverpool séparés, la bande à Jagger a livré des chefs d’œuvres comme Sticky Fingers ou Exile on main street. Est-ce parce qu’ils étaient enfin libérés de cette compétition ?

Très bon livre en tout cas.

Sylvain Bonnet

Frédéric Granier, Les Beatles, Perrin, janvier 2020, 490 pages, 25 eur

Reprise de Come Together des Beatles par les Rolling Stones

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